Oxmo Puccino consacre la deuxième saison de sa série sonore à Marseille © DR

Oxmo Puccino à la découverte de « l’extraordinaire du quotidien » des Marseillais

Histoires de quartier. C’est le nom de la série sonore d’Oxmo Puccino disponible depuis le début de l’été sur Arte Radio. Après une première saison réalisée dans la capitale, la deuxième édition, elle, est dédiée à Marseille. Quel regard porte le rappeur si prompt à la métaphore sur les quartiers populaires marseillais ?

 

 

Avant de se rendre dans la deuxième ville de France armé d’un enregistreur et de sa gouaille légendaire, Oxmo Puccino a donné rendez-vous « à des amis ». C’est ce que jure David Commeillas, le réalisateur de la série Les Histoires de quartier d’Oxmo Puccino, dont la saison 2 se déroule à Marseille. « C’est lui qui a calé une grande partie des entretiens. Oxmo est à l’origine de l’idée de la série, concède celui qui est autant son fan que son ami. Il me disait qu’il entendait plein d’histoires incroyables racontées par des gens des quartiers, et pas que des cités, mais des quartiers populaires en général, à Paris, à Marseille. Il voulait en faire une forme de lexique, les répertorier en les mettant en vie, avec le langage quartier, la propre façon de parler des gens. » Alors David Commeillas a poussé le rappeur qu’on ne présente plus dans les locaux d’Arte Radio.

Après une première saison tournée à Paris, où il a grandi, l’artiste à la poésie percutante a donc décidé de poursuivre son travail ici, dans cette ville qu’il dit « avoir dans le sang ». Il sait qu’à Marseille, comme il a pu l’entendre à Paris, les gens ont des histoires de quartier à la pelle. L’accent et certaines expressions en plus. Sur place, Oxmo Puccino s’est donc entretenu avec Akhenaton, bien sûr, mais aussi avec l’humoriste Redouane Bougheraba, l’autrice Valérie Manteau ou encore la conseillère municipale Hayat Atia (DVD). Tous se sont vu lancer le même défi : « Raconte-moi un truc de ouf ! »

Le Panier, Noailles, les Flamants, Félix-Pyat… Dans ces histoires, le décor a toute son importance. Les narrateurs, plus ou moins connus, y habitent, y ont grandi ou y ont trainé plus que de raison.

De ces échanges naissent des histoires de bagarres, souvent, de courses-poursuites, de garde-à-vue, parfois, de morts, aussi. Mais de toutes finit par émerger une morale, qui leur donne des allures de fables urbaines inattendues. Oxmo Puccino et ses interviewés balaient les préjugés et surtout, mettent en lumière des valeurs comme le pardon, la rédemption, l’altruisme. Comment le rappeur qui veut toucher l’horizon a-t-il mené ce travail ? Qu’est-ce qu’il en retient ? Malgré des petits soucis de santé et un emploi du temps chargé, Oxmo Puccino a répondu, par écrit, aux questions de Marsactu.

 

 

 

 

Pour la saison 2 de votre série de podcasts Histoires de quartier, vous avez choisi Marseille. Pourquoi ?

Marseille ne peut que gagner à être connue à mesure que l’on parle d’elle et de cet amour indéfectible pour son équipe de foot. Avec les Histoires de quartier, je suis à la recherche d’histoires, de personnalités, d’accents, d’ambiances… Marseille méritait qu’on mette en avant la richesse de ses quartiers au-delà des clichés habituels.

 

 

Quel rapport entretenez-vous avec cette ville ?

Marseille, c’est une ville que j’ai dans le sang. J’y ai de nombreux amis. Elle m’a accueilli à cœur ouvert il y a vingt-cinq ans. C’est grâce à Marseille et Dj Kheops que mon nom est apparu pour la première fois sur les écrans TV et sur les ondes de France.

Ce que je peux retenir de la force identitaire de cette ville, c’est que toutes les personnes que vous croisez évoquent un amour de leur ville avec une force chorale qui les rassemble plus qu’on ne peut le concevoir. Les Marseillais ont un projet commun : ici, c’est Marseille.

 

 

Il parait que la plupart des personnalités que vous interrogez dans cette saison sont des amis. On retrouve Akhenaton, forcément, mais aussi les humoristes Redouane Bougheraba et Momo le Suédois ou encore — on s’y attendait moins — la conseillère municipale Hayat Atia, qui a grandi aux Flamants. Comment avez-vous choisi ces personnages ?

Recueillir les confidences implique un équilibre fragile entre intimité et pudeur. Raison pour laquelle le casting est toujours composé d’amis proches comme c’est le cas en effet avec Chill [surnom d’Akhenaton, ndlr], Redouane ou Mohamed, mais plus que les personnages, ce sont les histoires que je recherche. Ainsi, autour de moi, de mes amis, dans mes cercles proches, je pioche aussi des histoires portées par des personnalités tout aussi intéressantes. Dans cette seconde saison, mon comparse David Commeillas, avec qui je travaille sur ce podcast, s’est impliqué à mes côtés dans la recherche de profils. Cela nous paraissait intéressant d’aller aussi à la rencontre de gens qui font la vie de la ville, ou qui portent un regard sur elle à travers un travail. C’est ainsi que nous avons rencontré Hayat Atia ou Yohanne Lamoulère [photographe marseillaise, ndlr].

 

 

Que cherchiez-vous précisément dans leurs histoires de quartiers ?

L’extraordinaire du quotidien.

 

 

Après avoir écouté toutes ces histoires, quelle image des quartiers populaires de la ville voulez-vous que les gens retiennent ?

Que ce ne sont pas des extra-terrestres. Nous sommes arrivés à un niveau de division qui allonge la distance sociale. Avec ce podcast, mon objectif demeure le même que dans mon travail de rappeur. Raconter des histoires, mettre un peu de lumière dans le noir, et voir qu’au-delà des apparences souvent trompeuses, il y a du beau.

 

 

Des skinheads qui finissent par écouter du rap, des origines qui se mélangent, des bagarres qui finissent en embrassades… Marseille a sa magie, mais aussi sa dureté, sa violence. L’humour et les belles histoires sont-ils des moyens de lutter contre cela ? Ou plus simplement de survivre dans cet environnement ?

C’est une très bonne question. Au fond, je ne nourris aucune ambition si ce n’est celle de mettre en avant des histoires et des personnalités. Donner la parole à des gens qui ne sont pas toujours écoutés. Mais là où vous avez raison, c’est que j’essaye de le faire dans une démarche positive. Dans l’une de mes chansons, je dis : « Savais-tu qu’un cactus avait une fleur ? Au milieu des pics se cache un cœur » Et je crois que c’est cela. Même dans les histoires les plus violentes, les plus sombres, on va chercher la lumière, l’espoir. J’ai toujours voué beaucoup d’admiration à ceux que j’appelle les rois sans carrosse.

 

 

Avec cette série, vous vous attaquez aussi aux préjugés. Quel est selon vous celui qui colle le plus à la peau de Marseille et de ses quartiers ?

L’idée de m’attaquer à quelque chose n’existe pas. Poser clairement les faits est bien plus fort qu’une dénonciation. Les préjugés font partie intégrante de notre société et je vis avec. Donc les idées convenues me traversent sans laisser de trace.

 

 

Soso Maness, Jul, Nap’s… la nouvelle génération de rappeurs, dont Marseille a les meilleurs représentants (on chambre) a pris une direction bien différente des précurseurs comme vous. Moins philosophes, ils mettent souvent en avant les réseaux, l’argent, les armes. Pourquoi ne pas être allé les voir pour cette série ?

Je reste certain qu’ils sont noyés sous les anecdotes qui pleuvent sur eux car c’est juste… leur vie. C’est peut-être la raison pour laquelle ils sont difficiles à joindre. J’ai beaucoup échangé avec Soso par exemple, qui est une personnalité que j’aime beaucoup. Mais nos emplois du temps n’ont pas pu se rencontrer. Surtout, quelle que soit la notoriété des personnalités, tout le monde mène une vie extraordinaire. C’est la raison pour laquelle cette série est un mélange de personnalités et d’inconnus lumineux.

 

 

Oxmo, merci de vous être penché sur Marseille et d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Avez-vous prévu de revenir bientôt sur la planète Mars ?

J’évite de prévoir les choses. Je me laisse porter. Et quand les raisons personnelles de venir à Marseille manquent, alors je trouve toujours un prétexte professionnel pour y descendre. Marseille est vital à mon bien-être.

 

Violette Artaud