Nei Volti (Dans les visages) de Virgilio Sieni

Nei Volti (Dans les visages) de Virgilio Sieni

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Portraits dansants

Avec Nei Volti (Dans les visages), le chorégraphe et danseur florentin Virgilio Sieni entre en résistance.

A la table à laquelle le spectateur est convié, l’atmosphère semble bien austère. Tout est noir, quelques sièges et petites consoles s’éparpillent sur les planches du Merlan. Seuls Virgilio Sieni et le flûtiste Giampaolo Pretto occupent l’espace. Un peu mal à l’aise comme invité dans sa nouvelle belle-famille italienne, le spectateur attend les premiers pas de l’un des membres. S’instaure alors un dialogue entre le danseur et le musicien, dont le répertoire oscille entre Bach et le contemporain Salvatore Sciarrino. Les déplacements, les mouvements du danseur, à la fois mécaniques et fluides, s’inscrivent dans la recherche du chorégraphe sur L’art du geste en Méditerranée (un projet de quatre ans en collaboration avec le Théâtre du Merlan), un travail identitaire sur les origines, celles du territoire et de l’homme. « Par ce nouveau travail, je désire m’inspirer de visages de personnes qui ont résisté », précise cette figure de la danse contemporaine italienne.
Peu à peu, le spectateur se familiarise avec chacune des personnes présentes à table : la mère, la fille, l’oncle, le photographe… L’ambiance se fait plus intime quand le danseur accompagne d’objets la poésie de la gestuelle pour fantasmer les personnages et nous offrir des portraits d’hommes, de femmes, des morceaux de vie. Intenses, forts et pleins d’une vie de lutte, les gestes semblent glisser sur la scène. Le spectateur voit les bonheurs et la gravité de ces figures généreuses, à travers les gesticulations de l’oncle qui raconte son dur labeur à la vigne, de la nonna toujours belle malgré ses rides ou encore d’une petite fille qu’on voit rêver et dont on entend le rire… « Ils me prêtent leurs visages, leurs poses, leurs figures, leur lumière et leur obscurité : une pensée qui anime le corps », ajoute le chorégraphe. Il devient alors chacun d’entre eux et ces différentes « façons de résister à quelque chose : non seulement aux guerres, mais aussi dans leurs lieux, dans le soin des exploits, de peu de choses, de la terre, des autres » le façonnent.
De cette rencontre, on retient une invitation au partage, celui du geste et de l’expérience de Jean Berthet (90 ans, résistant et déporté à Buchenwald) qui, par ses poings serrés et la seule présence de son corps en mouvement aux côtés du danseur, éclaire la scène.
Le spectateur repart avec cette main posée sur l’épaule, ce geste de transmission, pour dire « Maintenant tu sais, tu es de notre famille. »
Virgilio Sienni et sa création pourraient très bien être comparés à un peintre et sa toile, mais l’authenticité d’une tablée familiale semble mieux convenir à l’humilité et à la sincérité de ce grand monsieur.

Texte : Christelle Giudicelli
Photo : Pasquale Juzzolino

Nei Volti (Dans les visages) de Virgilio Sieni était présenté les 17 et 19/11 au Théâtre du Merlan dans le cadre du festival Dansem

Prochaines représentations de Virgilio Sieni dans le cadre de L’Art du geste en Méditerranée #2 (Rens. 04 91 55 68 06 / www.dansem.org) :
Visitation : les 26 & 27/11 à la Bastide de la Magalone (245 bis boulevard Michelet, 8e). Rens. 04 91 11 19 20 / www.merlan.org /
Mères et filles : les 3 & 4/12 au Théâtre d’Arles (43 boulevard Georges Clémenceau, Arles). Rens. 04 90 52 51 55 / www.theatre-arles.com