N°151 - Tout contre-pouvoir

N°151 – Tout contre-pouvoir

Act Up en a rêvé, Cédric Haoucine l’a fait : un portrait de Le Pen en sarko-pixels, ça paraît tellement évident qu’il fallait y penser. Vu la teneur des propos du Sinistre de l’Intérieur, sa folie dangereuse, c’est toutefois un autre personnage maléfique que nous aurions pu créer à base de micro-Nico : Benito Mussolini… (lire la suite)

Act Up en a rêvé[1], Cédric Haoucine l’a fait[2] : un portrait de Le Pen en sarko-pixels, ça paraît tellement évident qu’il fallait y penser. Vu la teneur des propos du Sinistre de l’Intérieur, sa folie dangereuse, c’est toutefois un autre personnage maléfique que nous aurions pu créer à base de micro-Nico : Benito Mussolini. Après la fameuse promesse de « kärcherisation » des banlieues, son délirant projet de « carnet de comportement » de l’enfant[3] ne porte-t-il pas en lui les stigmates d’un fascisme rampant ? Et que dire de la récente « affaire Elkabbach », qui a vu le patron d’Europe 1 demander conseil à Nicolas Sarkozy avant de recruter un journaliste chargé de l’UMP ? Ce qu’a également fait la rédaction de TF1 — dont Martin Bouygues est un intime du ministre — avant de nommer Harry Roselmack aux 20 heures estivaux… Alors que Monsieur Sarkozy s’érige en ardent défenseur de la presse libre[4], certains comportements occultes font froid dans le dos. Pour avoir lu le remarquable pamphlet de Serge Halimi Les nouveaux chiens de garde, vu les premiers films de Pierre Carles ou régulièrement parcouru les colonnes de PLPL, on connaît certes la complaisance des journalistes français à l’égard des politiques[5], mais il est des dérapages qui ressemblent à ces gouttes d’eau faisant déborder le vase. On pense notamment au sort réservé à l’impertinent John Paul Lepers, dont le documentaire sur Bernadette Chirac a été interdit d’antenne par Canal +, poussant ce héraut du journalisme — l’un des derniers — à la démission[6]. Et si ce «Bernagate» a donné lieu à un livre (Madâme, impossible conversation) et un blog (johnpaullepers.blogs.com) qui cartonnent, on peut faire confiance aux sbires médiatiques de l’Elysée pour ne pas relayer le scandale. Censure, fausse objectivité, traitement déséquilibré de l’information[7], connivences avec la sphère politique, concentration, voire monopolisation des médias : quand la presse ne répond plus à ses objectifs premiers, peut-on encore parler de démocratie ? Faut-il attendre du Net un hypothétique salut ? Comment revendiquer fièrement son statut de journaliste quand tout fout le camp ? On pourrait croire la presse culturelle moins concernée par cette chienlit médiatico-institutionnelle… Elle l’est pourtant, même si c’est dans une moindre mesure. Quand, encouragés par la flagornerie naturelle de quelques-uns de nos «confrères», certains annonceurs croient inéluctable l’équation «encart de publicité = article (complaisant bien sûr)», on peut penser que les journalistes culturels ont de l’avenir… dans la com’ !

Texte : CC
Photo : Karim Grandi-Baupain

Notes

[1] Une récente affiche réalisée par l’association et le 9e Collectif de Sans-Papiers présente une photo de Nicolas Sarkozy avec pour seul slogan « Votez Le Pen »

[2] Le graphiste auteur de la couverture de ce numéro

[3] Ledit carnet a pour but de ficher les enfants dès l’âge de trois ans afin de détecter les futurs délinquants. Une version toute personnelle de l’adage « La valeur n’attend pas le nombre d’années » !

[4] A propos de la fameuse affaire des caricatures danoises : « Je préfère un excès de caricature qu’un excès de censure ». Nous aussi. VRAIMENT.

[5] Une exception française s’il en est. Cf. l’enquête de 20 minutes à ce sujet, parue le 9 mars dernier, qui rapporte les dires d’une correspondante du Guardian : « En France, vous permettez au Président de la République de choisir ses intervieweurs. C’est impensable chez nous. »

[6] Lire à ce sujet l’enquête de Technikart parue dans le numéro 100

[7] Pour ne pas dire raciste. Alors qu’ils ont fait un flanc du crime, certes odieux, commis contre Ilan Halimi, les médias n’ont manifestement pas jugé utile d’offrir un traitement comparable au meurtre de Chaib Zehaf, proféré au son de «Barrez-vous, enculés d’Arabes !» et autres aimables invectives