Mort à crédit (social)

Mort à crédit (social)

De retour dans la place, quel est votre crédit social ? Imaginez que la valeur de votre vie en société se mesure avec un nombre à trois chiffres. La compilation de nos données personnelles, associée à l’évaluation des administrations, des banques, assurances ou entreprises de transport nous attribueront prochainement un score, sur lequel nous aurons beau jeu de garder un œil attentif. Vous faites du sport régulièrement ? Un score à la hausse. Vous avez un accident de voiture à tort ? Un score à la baisse. Une condamnation en justice ? Des amis douteux parce que mal notés ? Un score qui plonge. Bien vu, nous nous verrons allouer des places privilégiées pour l’accès au service public ou des taux préférentiels. À l’inverse, les portes se fermeront une à une. Dernier rendez-vous à l’hôpital, refus de prêt, places à l’arrière côté couloir dans le dernier train, étiquette inamovible de citoyen dégradé. Bienvenue dans les abîmes du social ranking ! Pratiqué publiquement en Chine depuis plusieurs années grâce à la généralisation du paiement par téléphone et plus discrètement chez nous. La moindre entrée dans notre téléphone intelligent sera évaluée et chacune de nos relations soupesée à l’aune de notre score. Le sens assumé de cette gouvernementalité numérique est d’inciter les citoyens à adopter une série de comportements et de choix de tous ordres. Au moyen de sanctions prodiguées et d’avantages procurés, elle convient de nous faire accepter de se conformer aux règles du jeu. Plus rien ne s’opposerait au contrôle social par la notation permanente de notre comportement. Nous attachons des deux mains une laisse à celle de notre gardien. La complexité la rend invisible. Même lui ne saura comment la défaire.

 

Victor Léo