Mir Grabe – F1440 à la Galerie CompleX

Se trouver là

 

La bande de CompleX réactive le projet Boîte, dans l’idée d’offrir un vrai coup de projecteur sur un artiste et de se pencher, consciencieusement, sur l’ensemble d’une pratique artistique. Dont acte avec Mir Grabe, que l’on retrouvera pendant toute l’année, pour un cycle de trois expositions autour du sténopé et de son approche performative de la photographie.

 

Mir Grabe est ce photographe un peu dingue qui transforme en sténopés géants les lieux abandonnés dans l’espace public, comme la colonne Morris du Cours Julien, un moulin quelque part en Provence, des toilettes publiques abandonnées ou encore un bunker près de Peypin… Pendant un, deux ou trois jours, l’artiste s’enferme seul dans son sténopé de fortune et capte la lumière sur son papier photo, dans un processus qui illustre les mots de Barthes : « La voyance du photographe ne se trouve pas à voir mais à se trouver là. » Contrairement à l’instantané de la photo, ici, c’est lentement que les ondes créent des couleurs et des formes, révélant une photo silencieuse qui ne prouve rien et niant le principe même d’image. Différents instants se superposent et l’image, en se révélant, se fait le témoin de la dernière « performance » solitaire de l’artiste…
Après une belle carrière artistique berlinoise, Mir Grabe quitte son Allemagne natale et arrive en vélo dans le Sud de la France pour de nouvelles aventures, personnelles et artistiques. C’est là qu’il rencontre les architectes de CompleX, installés dans un « concept place » rue Pastoret, qu’ils partagent avec la styliste Yvonne Mülher. Tous se réunissent autour du projet « Boîte », dont l’idée est de déplacer un mini white cube pour exposer une œuvre d’art n’importe où et n’importe quand…
Après une première collaboration en 2010 autour du chantier du Mucem, où Mir Grabe avait transformé la Boîte en sténopé, Christophe Pinero invite l’artiste sur un projet architectural expérimental. Des personnes sont invitées à envisager leur future maison d’abord d’un point de vue sensible, avant de se concentrer sur les questions formelles et fonctionnelles. Mir installera son dispositif au chœur d’un chantier pendant deux ans : son appareil photo y captera chaque jour une minute le matin et une minute le soir pour créer « la photo » de la maison en devenir, des travaux, des ouvriers… Le résultat de cette expérience incertaine sera révélé le soir du vernissage à CompleX, où l’on découvrira si l’histoire de ce chantier s’est imprégnée sur le papier sensible ou s’il ne résulte de tout cela qu’une non image blanche… A cette heure, nul ne le sait, même pas l’artiste qui n’a pas encore révélé la photo. Mais peu importe, le dispositif l’intéresse plus que les images finales. Ce que nous serons amenés à comprendre tout au long de l’année en suivant les trois expositions consacrées à l’artiste, traitant d’une collaboration entre un architecte et un photographe. La suivante dévoilera les photos prises sur le chantier du Mucem et la troisième explorera les différents « abris » que Mir a transformés en sténopés. L’occasion d’expliciter une pratique qui tient compte de la précarité de moyens auxquels les artistes sont confrontés et où l’œuvre exprime la complexité de créer sans le sou et sa difficulté d’exister.

Céline Ghisleri

 

Mir Grabe – F1440 : jusqu’au 18/05 à la Galerie CompleX (3 rue Pastoret, 6e).
Rens. 09 54 92 23 21 / www.complexmarseille.fr