Millefeuille | Mona Chollet – Chez soi

Top au logis

 

Un vent de lassitude à la perspective de rester cloîtré chez soi ? Cette base de repli face au monde extérieur prend la tournure d’un huis clos contraint dont l’horizon revêt la forme d’un canapé mollement confortable.
Casanière revendiquée, Mona Chollet ne tarit pas d’arguments au plaisir de passer du temps, beaucoup de temps, chez soi. Dubitatif ? Bonne nouvelle, la maison d’édition Zones rend disponible Chez soi, une odyssée de l’espace domestique gratuitement en ligne.
Dissection en trois temps d’une aptitude à la sérénité d’être chez soi.

 

1. Rester sur son canapé, c’est bien

 

Chez soi. Cette parcelle à mi-chemin entre la tanière et le garage prend parfois des allures de terre trop connue. Pourtant, ce lieu — dont le coût égale rarement le temps passé à l’intérieur — regorge de désirs à (ré)explorer. Ce livre distille plusieurs pistes pour l’aimer tel quel.

Loin d’une page de catalogue payable en plusieurs fois, il s’agit de prendre son temps pour s’approprier ce que l’on achète. Prendre le large de la représentation consommable de son salon pour s’essayer à la perte de temps dans la contemplation de ce que l’on a choisi de posséder.

Un bon moment pour renouer deux, trois histoires sentimentales avec des objets en jachère et qui sait, se laisser surprendre à rêvasser longuement dans son bon vieux canapé.

 

2. Je m’emmerde et j’ai sommeil

 

Chassez l’extérieur en fermant votre porte, il passera par la fenêtre ! Même les casaniers invétérés ne sont pas imperméables à la marche du monde. Les injonctions au bonheur sont nombreuses et démultipliées par les nombreux outils donnant le change aux avis de chacun. Ajoutons l’injonction sociétale à la productivité et nous voilà pris en étau entre conseils bien-être et culpabilisation santé.

Mona Chollet, sincère sur l’empiètement chronophage des réseaux sociaux, accepte complètement cette nouvelle cohabitation tout en se montrant lucide quant à ses impacts.

Autant assumer franchement de vivre sous les auspices de la procrastination. Laisser passer le temps, avoir du temps, prendre son temps, perdre son temps sont des passe-temps. Ne rien faire, c’est déjà faire : regarder, penser, rêver, dormir, se prélasser… autant de verbes pour dessiner des plaisirs tabous pour nos alter-egos virtuels proactifs.

 

3. Journées sans frontières

 

Le temps est un luxe. Comme l’argumente Mona Chollet, l’accès à la sécurité matérielle et à l’intégration sociale n’est possible, aujourd’hui, qu’en renonçant à jouir de son temps. L’accès à un logement à soi n’est pas une évidence, ce droit étant entravé par un grand nombre de contraintes et d’inégalités bien concrètes.

S’approprier son temps plutôt que le traiter comme une ressource marchande, n’est-ce pas une occasion précieuse de prendre conscience que ce n’est pas une chose bradée seulement soumise à la valorisation sociale ?

 

Sans tomber dans un consensuel contentement à la tranquillité, disposer de son lieu et de son temps sont deux libertés qui se confrontent à une spirale de sollicitations sociales et personnelles dont il est bon de faire le tri. Un ménage de printemps comme un autre.

 

Simone d’Abreuvoir

 

Chez soi, une odyssée de l’espace domestique de Mona Chollet, à lire ici :
https://www.editions-zones.fr/2020/03/17/chez-soi-en-acces-libre/