Henri-Frederic Blanc

Millefeuille | Épître aux Marseillais de Henri-Frédéric Blanc

Sagacité phocéenne

 

Dernière pépite du génial Henri-Frédéric Blanc, Épître aux Marseillais est non seulement une immanquable occasion de se dilater la rate mais aussi et surtout de s’aérer le citron. Voire carrément d’espérer.

 

Épître aux Marseillais de Henri-Frédéric BlancNul n’est prophète en son pays et c’est bien dommage…

Marseille, ce « chancre merveilleux », Henri-Frédéric Blanc y est né il y a une soixantaine d’années et il semblerait bien que depuis le premier jour, il en ait fait son sujet d’étude. Le prisme « d’observance » parfait pour l’ethno-sociologue et homme de lettres qu’il est.

Alors, devant une noisette aux Danaïdes, acagnardé dans le tramway ou assis sur un banc « comme un qui aurait dans l’idée de nourrir les pigeons », il nous observe comme le concentré d’humanité que nous sommes. Il se régale de nos saillies verbales et se délecte de nos tronches improbables. Toujours avec la bienveillance d’un Gandhi de l’Estaque.

Pourtant, il voit bien qu’on se parle mal de longue, qu’on se regarde avec l’œil mauvais, que notre ville on lui pisse à la raie, au sens propre comme au figuré. Son œil est critique et son incompréhension est grande. Actibus immensis urbs fulget Massiliensis (« La ville de Marseille resplendit par ses hauts faits ») proclame notre blason comme une grosse bouche, alors qu’On s’en bat les couilles serait plus conforme à la raison ; ça aussi, il le sait, et ça le fait sourire en même temps que ça le désespère.

Et malgré tout ça, il persiste à voir dans le peuple marseillais et sa vieille ville matrice la possible réponse aux problèmes du monde. Pour lui, aucun doute : si Marseille concentre tous les problèmes, elle peut, elle doit être la solution ! Elle porte en elle un génie caché capable d’offrir à l’humanité tout entière une authentique rasade d’antique sagesse.

Marseille laboratoire mondial pour une démocratie réinventée. Et pourquoi pas?

Mais un vrai prophète, fût-il marseillais, se doit d’être modeste. Le nôtre a même opté pour une discrétion frisant parfois le camouflage. Pas le genre donc à multiplier les shawarma ou à se rendre au Château d’If à pied histoire de capter l’attention de son auditoire, il préfère « mieux » nous écrire ou nous envoyer ses improbables apôtres, de Frédo le fada à Abu Dzardînn, pour nous porter sa parole.

Ce dernier opus délivré par notre saint homme, épître bien nommé, n’est pas qu’une occasion de déguster de la pure littérature et de jubiler un bon coup (mais quand même !), il donne presque envie d’y croire. C’est bien connu, Marseille « la belle bordille » n’a besoin de dégun ; elle gagnerait pourtant parfois à tendre un peu l’oreille, la solution est peut-être là, juste sous son nez, assise sur un banc des Allées Gambetta, avec « l’air d’une qui aurait dans l’idée de filer à bouffer à ces putains de pigeons. »

 

Laurent Centofanti

 

Dans les bacs : Henri-Frédéric Blanc – Épître aux Marseillais (Éditions Le Fioupelan).

Rens. : www.lefioupelan.com