Le Metaphore Collectif

Le Metaphore Collectif

L’étoile noire

 

Vendredi vingt-six septembre, alors que Marsatac bat son plein à la Friche, une tout autre ambiance règne en centre-ville, dans l’intimité du Baby… Comme un nouveau souffle au sein de la sphère marseillaise des musiques nocturnes, le Metaphore Collectif développe tout un art de vivre autour des cultures électroniques d’hier et de demain. Rencontre avec les Black Sheep et Adamovitch.

 

 

« La personne qui va faire entendre une musique lors d’une soirée va de fait exorciser le public. C’est quelque chose qui a toujours été rattaché à la techno. Un mouvement que l’on a connu en décalé : pour ma part, je suis né en 94. Je dois mes connaissances en matière de trance Goa à mes parents. Ils ont vécu ça, les grosses raves dans la jungle… » Vingt piges au compteur, le moustachu Adamovitch compte parmi les fers de lance d’un collectif pour le moins atypique au sein du paysage local. Un véritable gang qui semble faire de plus en plus parler de lui, bien au-delà de l’Estaque. T-shirts quatre XL et slims noirs, bagues à chaque doigt, pantalons dans les chaussettes, chaussures compensées ou casquettes tuning… Metaphore, c’est un peu le Berlin du début des années 90 passé à travers le prisme d’Internet. Une sorte de communauté de passionnés, musiciens, graphistes et vidéastes, avec ses rituels et son folklore. De l’URL à l’IRL : « On a grandi avec Internet, on n’y fait plus attention. Et beaucoup de choses s’y passent inconsciemment… J’ai même tatoué “Internet” sur le flanc », avoue Nicolas, l’un des deux moutons noirs.
Puisant autant dans le tribalisme, l’ambient, l’indus, l’ésotérisme ou la noise que dans le digital pur et dur, Metaphore multiplie depuis quatre ans les scènes dans des milieux divers et variés. Du TLN (festival des cultures numériques et électroniques de Toulon) jusqu’au Blockhaus (un bunker de la Seconde Guerre perdu dans la garrigue derrière Callelongue), en passant par Seconde Nature ou l’Asile 404. « Il y a toujours eu ce côté élévation spirituelle dans la techno et la trance. C’était intéressant pour nous de travailler là-dessus, de trouver les limites entre la musique électronique pour danser et la musique tribale pour s’éveiller. A travers nos événements, nous essayons de tout synchroniser », précise Adamovitch : les visuels (signés Nicolas), les projections (de la jeune artiste Emilie Génovese), l’atmosphère…

 

Je dois mes connaissances en matière de trance Goa à mes parents. (Adamovitch)

 

Et la musique bien sûr, prolongation directe d’une véritable philosophie : sombre, toute vêtue de noir, mais généreuse et viscérale. Comme un hommage aux pionniers de Detroit : « On s’oppose depuis le début à la mise en avant de “l’imagerie” de l’artiste : en soirée, on n’est pas trop pour que les gens prennent des photos, et on n’a jamais embauché de photographe. On s’efforce aussi de ne jamais trop éclairer les salles, pour laisser place à l’art, et effacer tout le reste. » On sent bien que l’événementiel n’est ici pas une fin en soi, plutôt le prétexte idéal pour inviter des pointures nationales (La Petite Compagnie, Electrobe de Chambre…) ou internationales (Paula Temple, CLFT, Lenny Posso, Thomas Hessler…).
Dans une société où la notion de loisir est ambiguë, l’étiquette “fête” est hâtivement apposée sur tout ce qui concerne la danse et les sorties nocturnes, rendant ainsi caduque l’utilité sociale directe de la “fête” elle-même dans la vie des désignés fêtards, et incompris tout ce qui s’en détache. « On veut que le public vienne à nos soirées parce qu’il s’intéresse à ce que l’on propose », rétorque Nicolas. Et ce n’est pas leur dossier de presse qui le contredira : « Inviter le public à assister à de vraies performances artistiques. Alors qu’ailleurs on sort pour boire ou draguer, ici, le pousser à écouter et regarder. » Ce soir-là encore, à deux pas de la place Jean Jaurès, en marge des grands raouts, Metaphore élargissait son cercle en donnant à voir les talents sauvages d’une génération qui plane assurément de ses propres ailes.

Jordan Saïsset

 

Black Sheep et Adamovitch seront en concert avec Rødhâd sur des projections d’Emilie Génovese le 17/10 à Seconde Nature (Aix-en-Provence).
Rens. : www.facebook.com/metaphore.collectif / www.secondenature.org