Maryse Joissains © Marsactu

« Maryse Joissains ne voit qu’elle pour se succéder à elle-même » à la mairie d’Aix

La maire d’Aix a annoncé sa volonté de briguer un troisième mandat. Malgré la menace d’une possible condamnation en appel, Maryse Joissains s’avance face une opposition atone et des rivaux encore divisés.

 

« Moi, quand je critique, je signe. Et quand j’attaque ce n’est pas avec des boules puantes ! », s’énerve Maryse Joissains, micro en main. Elle réveille d’un coup l’audience un brin anesthésiée. Le long fleuve tranquille du conseil municipal aixois de ce vendredi 28 septembre finit par s’agiter. Des remous nourris par l’actualité. Ce conseil est le premier depuis la condamnation de la maire d’Aix à une peine de prison avec sursis et dix ans d’inéligibilité le 18 juillet [lire le détail du jugement].

Soudain, une ligne de fracture bien franche lézarde un débat mollasson. D’un côté, Maryse Joissains qui rage devant les envois de lettres anonymes qui distillent des « propos mensongers » à son endroit ; de l’autre, des adversaires piqués au vif par sa sortie dans La Provence du 24 septembre. La première magistrate aixoise y lâche qu’elle « emmerde l’opposition », dont une partie demandait sa démission après la décision du tribunal correctionnel de Montpellier.

 

«  Le désir et la santé »

Non seulement la « dame d’Aix », comme l’appelle Jean-Claude Gaudin, n’envisage pas de laisser son fauteuil, mais surtout elle promet de rempiler. Celle qui, il y a un an tout rond, voyait sa fille — Sophie, déjà sénatrice (UDI) — lui succéder dans son fauteuil, change désormais d’option. À ses yeux, très bleus, la meilleure candidate pour prendre le relais n’est autre qu’elle-même. Dans le même entretien accordé à La Provence, celle qui se dit terrorisée à l’idée de prendre sa retraite ne laisse pas place au doute. Elle assure qu’elle a « le désir et la santé pour briguer un nouveau mandat. »

Manière de renvoyer dos à dos ceux qui la trouvent trop âgée pour le rôle — elle aura 78 ans en 2020 — et ceux qui pointent ses casseroles judiciaires. Après sa condamnation, l’élue a formé un appel, lequel est suspensif. « Et après, elle se pourvoira sans doute en cassation, donc cela va repousser d’autant la décision », note Edouard Baldo, candidat socialiste malheureux en 2014 et conseiller municipal d’opposition. « En 2020, elle se présentera mais ce sera terrible pour elle. Autant jouer à la roulette russe en mettant six cartouches dans le barillet… », pronostique-t-il.

 

« Condamnée donc j’y vais »

L’épisode judiciaire, un obstacle à sa réélection ? « Paradoxalement, la logique de Maryse Joissains c’est je suis condamnée, donc, j’y vais !, relève l’élue d’opposition Gaëlle Lenfant. Cela tient autant de la stratégie que du fond de sa psychologie. » Revancharde, Maryse s’apprête donc à écrire un nouvel épisode de la longue saga familiale, politique et judiciaire qui lie intimement le clan Joissains à la ville depuis quarante ans. « Tout ça fait partie du roman Joissains. Maryse, Alain, son mari, mais aussi le grand-père, la fille… Ils vivent dans l’idée que c’est leur destin de faire de la politique et de souffrir à cause d’elle », détaille un membre des Républicains.

Dans son camp, malgré des tensions parfois apparentes, personne ne s’amuse à disputer le leadership à la sortante. Les noms de Jean-Marc Perrin (élu en charge de la Duranne) ou Stéphane Paoli (adjoint au développement numérique) figurent parmi les dauphins potentiels. Tous deux ont démenti l’idée. « La majorité est sous contrôle. Il y a bien des gens pour penser à y aller à sa place, mais ils n’ont pas les moyens de le faire », note un homme politique aixois. À ses yeux, l’ancienne avocate donne même dans « le terrorisme électoral » : « Si on ne lui donne pas l’investiture, elle menacera de faire perdre celui qui partira face à elle. Comme elle l’a fait pour imposer sa fille aux sénatoriales il y a dix ans. » Un fin connaisseur des arcanes LR abonde : « De toute façon, personne n’aura les couilles de se lever contre elle. Dégun bronchera… »

 

À gauche, c’est le néant

Si la maire d’Aix tient ses troupes de main de maître, elle s’avance aussi face à une opposition dévastée. « Chez nous, c’est le néant », admet l’élue PS Gaëlle Lenfant. Explosée façon puzzle l’opposition socialiste peine terriblement à exister en conseil municipal. On la voit mal réussir à recoller les morceaux d’ici 2020. Gaëlle Lenfant irait bien, « mais seulement si on est capables de faire une liste d’union de la gauche avec la France Insoumise. » Edouard Baldo ne dit pas non. Mais s’interroge : « Il faut d’abord trouver notre place entre le machin insoumis et le machin en marche… »

Au “machin” des marcheurs, la sévérité de la condamnation de la maire d’Aix laisse espérer une alternance et aiguise les ambitions. Anne-Laurence Petel ne cache ni son « intérêt pour la gestion municipale », ni « le fait qu’elle s’intéresse à Aix depuis longtemps ». En marge de la visite de Christophe Castaner dans la ville, le 6 septembre dernier, la députée de la quatorzième circonscription des Bouches-du-Rhône se disait tentée de candidater à la candidature. Depuis lors, son collègue de la onzième, Mohamed Laqhila, élu sous l’étiquette Modem-LREM, lui a brûlé la politesse en se déclarant le 18 septembre. « Chez nous, on n’est pas dans l’autoproclamation ! »,s’agace Anne-Laurence Petel qui pointe une épopée « hasardeuse » en cavalier seul « sans soutien, sans étiquette et sans projet… »

 

« L’Onction papale de Paris »

Mohamed Laqhila hausse ses larges épaules. L’expert-comptable se présente, dit-il, « en homme libre et indépendant » qui ne ressent pas le besoin « de demander l’onction papale de Paris » pour dévoiler ses ambitions. Quitte à faire grincer ses collègues députés ? « Si d’autres veulent être candidats, qu’ils se déclarent ! Ils seront tout aussi légitimes que moi. » Selon le député de la onzième, les députés LREM doivent répondre à un impératif urgent : « Nous n’avons pas d’ancrage. Il faut donc mouiller le maillot, en s’investissant très fortement pour les municipales. » Son sens du sacrifice semble laisser de marbre ses confrères du Palais Bourbon… Quant aux marcheurs des comités locaux, ils ont aussi à jongler avec les murmures qui donnent tantôt Sophie Joissains à la porte de la République en Marche, tantôt Christophe Castaner en lice pour ravir son fauteuil à Maryse.

Ces crispations apparentes entre amis du nouveau monde font bien les affaires des Républicains. Bruno Gilles, président de la fédération LR des Bouches-du-Rhône, rappelle que s’agissant d’une ville de l’envergure d’Aix, seule la commission nationale d’investiture tranchera. « Au sein de notre famille, personne ne voit pourquoi on ne l’accorderait pas à Maryse Joissains, sauf pépin [judicaire, ndlr]. C’est une sortante, elle a fait des choses bien dans sa ville… Il n’y a aucune raison qu’elle ne soit pas investie. »

 

Maryse en cour même à Marseille

Après des mois de guerre ouverte et des saillies très dures à l’égard de la gouvernance de Jean-Claude Gaudin, la Gaudinie garde-t-elle une petite rancœur contre la truculente Aixoise ? Même pas. « Il y a bien eu une petite musique qui a circulé chez les Républicains : Maryse en fait trop sur la Métropole, il faut qu’elle arrête de faire de l’anti-Gaudin… », analyse un cadre républicain. Mais pas de quoi pousser les Marseillais à savonner la planche de la sortante, fut-elle une perpétuelle épine dans le pied de Jean-Claude Gaudin. « Bon, tout ce combat tenait un peu du jeu de rôle. Maintenant que Martine Vassal est élue, cela va s’apaiser. On ne va quand même pas perdre la mairie d’Aix pour ça, non ? », cadre Bruno Gilles. Un gradé LR rigole : « Vassal va lui donner assez pour pas être emmerdée ! » Déjà, Maryse Joissains a sollicité par courrier la nouvelle présidente de la Métropole, pour être nommée première vice-présidente en 2020.

À droite, on n’oublie tout de même pas la déculottée de Christian Kert (LR) aux dernières législatives face à Mohamed Laqhila (Modem-LREM). « Il y a un électorat de catégories socio-professionnelles, moyennes à plus, qui voit Maryse Joissains comme une poissonnière. En centre-ville, effectivement, la sociologie semble plus favorable à LREM. Mais il ne faut pas oublier qu’Aix a aussi des quartiers plus pauvres, une périphérie et que là, Maryse sait faire le plein… », décrypte un élu régional.

Bruno Gilles, lui, rappelle : « En 2014, il y avait eu une série de mauvais sondages pour elle. La candidature de sa fille a même été dans les tuyaux. Au final, Maryse a tranché, elle y est retournée et a fait son meilleur score ! » À l’en croire, la route de Maryse Joissains vers un quatrième mandat est pavée d’or. N’était l’épée de Damoclès d’une confirmation de son inéligibilité…

 

Coralie Bonnefoy