Le Chevalier Roze à la Tourette de Michel Serre

Marseille en temps de peste, 1720-1722 au Musée d’Histoire de Marseille

Époque charniers

 

Le Musée d’Histoire de Marseille propose une exposition sur cet événement funeste que fut la peste de 1720 à 1722. Aujourd’hui encore, Marseille en porte les stigmates, du paysage urbain à la mémoire collective.

 

 

Il y a trois siècles exactement avait lieu une crise sanitaire effroyable à Marseille. L’occasion pour le Musée d’Histoire de se pencher sur ce tragique épisode à travers son exposition Marseille en temps de peste, qui propose une déambulation entre archives, témoignages, traces archéologiques ou encore tableaux de cette époque.

Dès l’entrée, une frise nous rappelle les épisodes de peste à travers le monde, les siècles, rappelant leurs durées respectives ainsi que le nombre de décès engendrés.

Vient ensuite la visite d’une salle à l’éclairage faible, dans laquelle de nombreuses archives sont exposées sous vitrines, dans une ambiance sombre, accompagnant ainsi nos esprits dans la dure réalité cette période.

L’exposition retrace comment la peste a débarqué à Marseille : par bateau, par exemple, à bord du Grand Saint Antoine, dont la cargaison de grande valeur laissait supposer d’importants enjeux économiques et autant de falsifications pour forcer l’entrée au port en pleine quarantaine, faisant ainsi des milliers de victimes… Ainsi, on découvre les mesures administratives mises en place à l’époque par les autorités ayant voulu circonscrire la ville, ou bien encore les rapports des médecins, plus accablants les uns que les autres.

La peste fut estampillée « fièvre maligne » — par peur des difficultés commerciales, Marseille jouissant de son statut de premier port de France ! — avant que d’hériter de sa véritable identité et que les mesures qui s’imposaient soient prises : fermeture des écoles, quarantaine, limitation des rites funéraires… ainsi qu’une certaine surveillance de la population — une impression de déjà-vu ?

Plusieurs témoignages relatent la panique et la fuite de certains Marseillais, transmettant ainsi la maladie aux communes voisines comme Aubagne ou Cassis, et entrainant l’isolement de la Provence du reste du pays. Un peu plus au nord, dans le Vaucluse, un « mur de la peste » long de vingt-sept kilomètres fut érigé à la va-vite entre Lagnes et Fontaine-de-Vaucluse, évitant ainsi que le mal ne déferle sur le reste du territoire.

L’exposition propose une carte des charniers de la peste, dont les lieux sont aujourd’hui des places marseillaises célèbres, comme l’esplanade de la Major, où plus de cent squelettes furent exhumés. En vitrine et en image, les médecins en costumes noirs sont tels des corbeaux munis de becs de protection pour se protéger des miasmes, ou de fourches à cadavre immenses pour attraper les corps, nous rappelant ainsi l’horreur et l’effroi qui s’emparèrent alors de la ville.

Telle une fresque, un tableau recouvre un mur entier, représentant une scène de rue où les pestiférés s’entassent au milieu des vivants à l’agonie et nous fait prendre conscience de l’horreur de l’évènement qui se tenait à deux pas, sur le Vieux Port.

Une partie de l’exposition est consacrée aux hommes d’église, dont Monseigneur Belsunce, qui se distingua dans son aide aux victimes. L’Église aurait ainsi contribué à sauver la ville, voyant dans la peste une malédiction divine — bien qu’à l’époque certains membres du clergé aient fui la ville.

On découvre les élans de solidarité liés à cet épisode tragique, mais aussi l’individualisme, comme autant de réactions humaines mises en exergue par ce type d’évènement.

La plupart des archives et des textes ont été retranscrits en audio. L’on peut ainsi entendre des chroniques de la peste racontées par des négociants, des médecins ou des religieux ; autant de précieux témoignages à écouter dans des cabines, rendant compte par leur récit glaçant les ignobles détails de la maladie et de ses symptômes.

Une ultime partie évoque les épisodes de reprise de la peste, qui continua à s’immiscer de manière sournoise jusqu’en 1722, date de son enrayement. L’exposition se conclut sur la découverte des restes du Grand Saint Antoine dans les années 80, coulé volontairement au large de Marseille.

Pour aller plus loin, le visiteur est invité à poursuivre l’expérience au Musée des Beaux-Arts, où de nombreux tableaux consacrés à l’épidémie sont exposés, dont ceux de Joseph Vernet, tandis que des débats, conférences et visites patrimoniales guidées offrent un précieux écho à l’exposition.

La peste n’a décidément pas fini de faire parler d’elle.

 

Cécile Mathieu

 

 

Marseille en temps de peste, 1720-1722 : jusqu’au 30/01/2022 au Musée d’Histoire de Marseille (2 rue Henri Barbusse, 1er).

Rens. : www.musee-histoire-marseille-voie-historique.fr