Man Ray

Man Ray au Musée Cantini et au Château Borély

Ray mentor

 

Tandis que le Musée Cantini met en lumière le travail artistique de Man Ray sur la photographie de mode, le Château Borély lui répond en exposant costumes et clichés de son époque.

 

Né en 1890 aux États-Unis, Emmanuel Radnitzky baigne dès son plus jeune âge dans l’univers de « l’habillement », son père travaillant dans la confection et sa mère dans la couture. Doué pour le dessin qu’il étudie à New York, il s’intéresse aussi à la photographie et réalise ainsi ses premiers portraits. Arrivé à Paris en 1921, il est très vite amené à photographier des célébrités et des modèles après avoir été introduit par ses amis, dont Marcel Duchamp, auprès de grands couturiers comme Poiret ou Patou.

S’intéressant aux corps de ses modèles, aux formes, aux jeux de lumière, Man Ray se libère rapidement de l’exercice de la commande pour aller vers l’art. Son esprit extravagant et sa sensibilité au surréalisme vont ainsi contribuer à faire de la photographie de mode un art en soi, dans lequel le corps de la femme sera mis en scène et où l’attitude sera plus valorisée que la pose. On y voit l’idée de mannequin comme objet déshumanisé opposée à celle d’une femme émancipée et vivante ; on y devine le mélange entre rêve et réalité propre aux surréalistes.

Au-delà des œuvres, le Musée Cantini nous fait pénétrer au cœur même du processus artistique de Man Ray, détaillant ses différentes techniques comme la solarisation (permettant de faire une ombre autour des personnages) ou le photomontage, qui ont clairement permis de définir son style. Montrant plus de 150 photographies de mode et de revues, l’exposition vient ainsi nous rappeler la précieuse contribution de Man Ray à l’interdisciplinarité et à l’enrichissement mutuel entre art et mode. Ici, l’habit devient un accessoire pour proposer une mise en scène, la gestuelle met en valeur une nouvelle esthétique… À l’instar de ce buste posé sur une table, présentant une mannequin aux mains figées. Cette photo ambiguë résume parfaitement le parti pris et la vision singulière de l’artiste, selon laquelle une photographie peut être autre chose qu’une simple copie de ce que l’œil perçoit. Révolutionnant l’art photographique pendant vingt ans, Man Ray accède au statut d’icône grâce à ses portraits des « people » de son époque (certaines ont même été ses muses, comme Kiki de Montparnasse), à son travail continu pour des magazines aussi prestigieux que Vogue ou Vanity Fair, mais aussi aux nombreuses expositions qui lui seront consacrées après les années 40.

Montrant également ce brouillage des frontières entre art et mode opéré dans de travail de l’artiste, l’exposition proposée au Château Borély détaille quant à elle les tendances de l’époque. Dans cette mode des années 20 au sortir de la guerre, la femme rêve de simplicité et de liberté de mouvement, avec des robes trois quart longues aux formes géométriques et aux silhouettes plates. Des films publicitaires montrent comment se vêtir selon l’activité et l’heure de la journée, les débuts du maquillage et de la coiffure, les magazines de modes… On peut admirer quelques beaux modèles de robes et une mise en lien avec les arts décoratifs et de la table, spécificité du musée. La période présentée ici s’arrête aux années 30, quand la rigidité revient, comme si l’heure n’était plus à l’oisiveté et à l’insouciance.

Complémentaires, ces deux expositions offrent ainsi une vision assez complète d’une époque faite d’inventivité et d’aventures artistiques (photographes, couturiers, modèles…), dans laquelle chacun pouvait laisser libre cours à son imagination.

 

Cécile Mathieu

 

Man Ray, photographe de mode : jusqu’au 8/03/2020 au Musée Cantini (19 rue Grignan, 1er).

La Mode au temps de Man Ray : jusqu’au 8/03/2020 au Château Borély (134 Avenue Clôt Bey, 8e).

Rens. : www.marseille.fr