Only Lovers Left alive de Jim Jarmusch

Only Lovers Left alive (Allemagne/Grande-Bretagne/France/Chypre – 2h03) de Jim Jarmusch

Toujours dans le cou

 

L’art est immortel et pourrait bien représenter, pour l’être humain, ce que le sang est au vampire. Jim Jarmusch nous invite à une ballade visuelle et sonore envoûtante chez les accros à l’hémoglobine.

 

Only Lovers Left Alive s’ouvre sur un défilement du casting à l’écran avec une police de caractère digne des meilleurs films d’horreur des années 50. S’agissant d’ailleurs d’un « film de vampires », le spectateur pourrait s’attendre à se cramponner d’angoisse à son fauteuil ou à fantasmer sur la sexualité de ces personnages mythiques. Les codes sont effectivement respectés : force surhumaine, teint blafard, vie nocturne, survie par le sang… Sauf que Jim Jarmusch est derrière la caméra. Loin de l’action grand-guignolesque (Une nuit en enfer) ou de l’ambiance gothique angoissante (Dracula), le réalisateur du mémorable Stranger than Paradise livre une version très personnelle et loin des clichés en vogue (Twilight).
Adam et Eve sont deux vampires ayant déjà plusieurs fois fêté leurs noces de chêne (80 ans). Le premier vit dans un Détroit industriel bleu-gris. La seconde habite dans un Tanger à l’orientalisme jaune sable bien éloigné de la Transylvanie forestière de Dracula. La caméra nous promène entre plans larges sur les ruelles pittoresques de Tanger ou les façades impersonnelles de Détroit et plans rapprochés sur le couple. Durant deux heures de cet amour éternel en balade, le spectateur a un avant-goût d’immortalité en ne voyant pas le temps passer et en s’imprégnant de morceaux rock ou soul envoûtants aux titres évocateurs (Trapped By A Thing Called Love de Denise Lasalle). Notre duo de vampires préfère s’abreuver indirectement auprès de tendres poches de sang hospitalières plutôt que de croquer de tendres cous. Mais ils se nourrissent directement d’art, véritable sève de leur vie, qu’ils s’agissent de littérature pour Eve ou de musique pour Adam.
Les crocs d’Adam et Eve poussent ici chez Tom Hiddleston et Tilda Swinton. Et l’on peut dire qu’au-delà d’un physique longiligne attendu chez un vampire, le jeu de ces comédiens s’avère au moins aussi affuté que leurs canines. La fougue de la « jeune » sœur d’Eve, Ava (Mia Wasikowska), va bouleverser leurs habitudes et mettre en danger leur « vie » de couple, heureuse mais bien rangée. Elle leur apprendra pourtant qu’un peu de lâcher prise ne fait jamais de mal. Bien au contraire.

 Guillaume Arias

 

Only Lovers Left alive (Allemagne/Grande-Bretagne/France/Chypre – 2h03) de Jim Jarmusch, avec Tom Hiddleston, Tilda Swinton, Mia Wasikowska… Actuellement en salles