Looking for Eric - (Royaume-Uni - 1h59) de Ken Loach avec Eric Cantona, Steve Evets, Stéphanie Bishop...

Looking for Eric – (Royaume-Uni – 1h59) de Ken Loach avec Eric Cantona, Steve Evets, Stéphanie Bishop…

Working Class Eric

cine-Looking-for-Eric.jpgEtonnant objet que ce Looking for Eric, à la fois bouffée d’air frais dans la filmographie de Ken Loach, qui assumait ces temps derniers un sérieux confinant à un classicisme empesé (Le Vent se lève), et parfait prolongement aux chroniques sociales douces-amères des 90’s (sans doute la frange la plus passionnante de son travail, de Riff Raff à Ladybird). Oscillant entre anatomie d’une dérive et pur conte de fées, l’histoire d’Eric Bishop — postier dépressif qui, au détour d’un joint un peu trop chargé, voit apparaître son idole, le « King » Cantona — dégage une authentique fraîcheur et une légèreté peu commune. Non que le cinéma de Ken Loach soit totalement dénué d’humour, mais il a rarement porté un tel plaisir de déborder le réel afin de le redessiner aux couleurs du rêve. En empoignant courageusement un récit d’une simplicité proverbiale (le traditionnel motif du bon génie), Loach a peut-être trouvé la mise en forme la plus évidente au marxisme qui parcourt son œuvre. Ce qui relève ailleurs du pur onirisme (vivre ensemble, réussir sa vie) prend en effet, au fil de scènes de groupe très « loachiennes », une épaisseur concrète, palpable. Le cinéaste anglais, en roue libre (sens habile du hors champ, cadrage énergique), prend alors un malin plaisir à plier le monde à sa logique altruiste et à filmer un Cantona royal en génie égrenant avec un sérieux papal les aphorismes les plus absurdes. Dommage que le long-métrage souffre justement de l’absence du King pendant une demi-heure de poussive intrigue mafieuse ; car, en-dehors de ce coup de mou, ce Loach mineur nous donne une furieuse envie de jouer collectif.

CR