L’Interview : Thierry Ollat dans le cadre du Festival des arts éphémères

L’Interview : Thierry Ollat dans le cadre du Festival des arts éphémères

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Pour sa troisième édition, le Festival des arts éphémères — qui fait pousser l’art contemporain dans le si joli jardin de la mairie Maison Blanche — prend son envol. Le directeur du [mac] et commissaire de l’exposition, Thierry Ollat, nous donne quelques pistes pour suivre le parcours et nous invite au vernissage !

Selon vous, pourquoi si peu de gens connaissent ce festival ?
C’est normal ! C’est seulement la troisième édition et la première année était un coup d’essai, elle est restée assez confidentielle. L’année dernière, les artistes programmés étaient tous issus de la scène marseillaise plus en vue, comme Caroline Le Méhauté, Laurent Perbos ou Lionel Scoccimaro. Pour cette troisième édition, on a voulu croiser davantage les disciplines et les générations. Il y aura donc des artistes « confirmés », comme Christian Jacquard ou Anita Molinero, et des gens plus jeunes, comme Stéphanie Nava ou Rémi Bragard. Nous accueillons même deux pièces d’étudiants, celle de Camille Guibaud d’une part, celle de Victor Coste et Benjamin Olinet d’autre part. Mélange des pratiques donc, puisque l’on verra de la sculpture, des performances, de la peinture, mais aussi mélange des disciplines, avec le Ballet National de Marseille, qui sera là le soir du vernissage, et les jardiniers de la ville de Marseille, qui ont tellement aimé ce que nous avions fait l’année dernière qu’ils nous ont proposé de participer ! Ils ont réalisé dans le parc un labyrinthe d’osier et de joncs, qu’ils ont planté il y a un mois, et qui restera au moins jusqu’en 2013.

Quel est l’intérêt de mélanger travaux de praticiens amateurs et travaux d’artistes ?
L’an passé, les travaux des ateliers étaient disséminés dans tout le parc et perdaient donc un peu de leur intérêt. Ils étaient en outre soumis à un thème qui avait « frustré » les productions. Cette année, le champ est libre et nous rassemblerons les travaux pour créer une cohérence dans leur monstration. Le but de ce festival, c’est de travailler un rapport au public de manière directe et sincère. Le fait de montrer, ensemble, des travaux de praticiens amateurs et ceux d’artistes confirmés (et cette année d’étudiants des beaux-arts), ça permet une accessibilité plus évidente pour le public. La pratique amateur offre des degrés, des étapes de compréhension, qui ne sont pas forcément aussi lisibles dans le travail d’un artiste d’art contemporain.

Comment se fait cette transmission au public ?
Grâce à la médiation. Nous avons une responsabilité vis-à-vis de ça. L’espace public, le jardin en l’occurrence, nous apporte une légitimité pour cet accrochage. Le contact avec les gens est direct. C’est un parc très fréquenté et nous allons à la rencontre des gens qui s’y rendent régulièrement. Quand Caroline Le Méhauté passe trois semaines sur place à monter son mur de terre, les gens s’arrêtent, ils discutent, des maçons comparent leur savoir-faire au sien. Les gestes de la construction sont les mêmes, donc ils sont plus perceptibles. C’est après, quand vient la discussion autour de l’œuvre, que les choses deviennent plus abstraites.

Pourquoi un temps d’exposition si éphémère ?
A cause des dégradations, tout simplement. A cause du climat et des variations du temps, les œuvres en extérieur demandent beaucoup de vigilance et d’entretien.

Comment voyez-vous l’avenir du festival ? Avez-vous prévu quelque chose pour Marseille Provence 2013 ?
Des contacts sont d’ores et déjà établis avec l’équipe de MP 2013, depuis l’édition de l’année dernière, qui a vraiment été très bien perçue par tout le monde. Elle a suscité l’intérêt d’autres mairies de secteur par exemple, et d’autres institutions veulent participer au projet. Le festival va se développer. Nous venons d’ailleurs de monter une association pour cela, qui regroupe des artistes ayant participé au projet, comme Gilles Desplanques, et des gens comme Pascal Neveu (ndlr : directeur du FRAC PACA), Sylvie Amar (ndlr : cofondatrice du Bureau des Compétences et Désirs), etc. On va pourvoir augmenter la surface d’exposition et, pourquoi pas, s’étendre à d’autres jardins de la ville. Nous souhaitons inviter plus d’artistes aussi, et, surtout, augmenter et améliorer la qualité du rendu de production. Et bien sûr, développer l’intérêt et les outils de médiations autour du festival.

Propos recueillis par Céline Ghisleri
Photo : Chevalier sur blason (vague à lame) de Klotz

Festival des arts éphémères : du 19 au 29/05 au Parc de Maison Blanche (150 boulevard Paul Claudel, 9e). Vernissage le 19/05 à 18h30. Rens. 04 91 14 63 50

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Beau par Nature

Dix jours : c’est la durée pendant laquelle vous aurez tout le loisir d’aller voir et revoir les pièces, d’autant que certaines d’entre elles évolueront avec le temps… L’édition 2011 du festival s’annonce passionnante ! En voici un rapide aperçu, pour vous guider dans votre parcours.

Même si aucun thème n’a été imposé aux artistes, on note quelques axes majeurs autour desquels les différents travaux se regroupent, notamment celui de la nature et de sa protection. Ainsi, Guillaume Gattier offre une seconde vie aux troncs calcinés des pinèdes de la côte bleue qui flambaient l’été dernier, faisant étrangement écho au Japon, par le sens et la calligraphie de la forme noire. Le trait de fusain noir tient debout grâce à un tasseau d’un blanc effronté. Victoria Klotz installe quant à elle un zèbre endormi sur une planche de surf : une manière de garder un œil sur les espèces en voie de disparition, qu’elle place au centre du parc, qui devient l’écrin d’un joyau à préserver.
Le parc a quelque chose de « merveilleux », que l’on retrouve dans la pièce de Jean-François Roux. Le parc lui évoquant un univers « gulliverien », l’artiste propose de nous y mouvoir sur un sofa géant en mousse et d’admirer le paysage… Rupture d’échelle que l’on retrouve chez Stéphanie Nava, inspirée elle aussi par la « grandiosité » du parc et qui dessine au sol le patron du costume de pelouse d’un géant, d’une force de la nature… Enfin, l’installation des flûtes d’Erik Samakh, que l’on retrouve un peu partout cachées dans les arbres, crée un véritable partage des sons entre ceux du jardin et ceux, plus lointains, de la ville.
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Thierry Ollat insiste sur l’importance du travail envers le public. Cette prérogative se sent aussi dans les performances qui impliquent le spectateur ou les usagers du parc. Ainsi, Suzanne Strassmann réalisera, pendant toute la durée du festival, des peintures en performance à partir de photos des gens prises dans le parc. Pascale Stauth et Claude Queyrel inventent quant à eux un alphabet de signes, comme des idéogrammes qu’ils font voyager de leur atelier de la Joliette à la Maison Blanche grâce à la participation des gens…
Enfin, il sera beaucoup question de lignes, de traits, de dessin abstrait, en trois dimensions comme dans l’œuvre de Rémi Bragard. Véhicule vide figure un panneau d’affichage dans lequel rien ne se dit, une structure qui, privée de sa fonction, se meut en une forme géométrique abstraite, juste formelle et belle. L’artiste a également conçu Double gradin, un gradin recto verso sur lequel le visiteur peut s’asseoir et contempler le parc. La sculpture redonne à la nature sa place originelle, celle d’une œuvre à contempler. Paul Destrieu présente Subprime, une structure aux traits rectilignes et courbes, évoquant une image surréaliste de ce qu’il reste d’une maison payée à crédit quand celui-ci s’est perdu dans les taux d’intérêt. Catherine Melin s’installe quant à elle dans les platanes pour dessiner les courbes et les lignes d’un mobilier urbain qui nous est familier sans l’être vraiment. Elle interroge les formes et le rôle de ce mobilier et la façon dont il est perçu dans l’espace public, tandis que Pascal Simonet amoncelle des blocs de béton colorés comme une construction de Legos, créant une espèce de ruine archéologique d’une époque non affirmée… Les temps se mélangent, à tel point qu’on ne sait plus s’il s’agit d’un futur imaginaire ou d’un présent imaginé. Enfin, Yfat Gat, qui intervient à l’intérieur de la mairie, compose sur le mur une structure entre représentation architecturale et dessin abstrait, en tendant un fil dans toute la pièce… Comme un dessin qu’on trace sans lever la mine du crayon…

Texte : Céline Ghisleri
Photo : Véhicule vide de Bragard