Romain Criquet © Geoff Boulay

L’Interview | Romain Criquet (Cultures Permanentes)

La permaculture aujourd’hui, tout le monde en parle, mais s’il y en a un qui peut en parler mieux que quiconque, c’est ce drôle de bonhomme qu’est Romain Criquet. Durant la dernière décennie, on l’avait repéré pour sa voix et ses lyrics au sein de Rosa ou de Das Simple, deux groupes mythiques de la scène indé marseillaise des années 2000. Mais son talent l’a emmené plus loin que sur les scènes et sur un tout autre chemin, celui de la permaculture. Un grand mot, un grand acte, et un grand visionnaire.

 

D’où est venu ton intérêt pour la permaculture ?

Pour moi, c’est la suite logique de questionnements généraux par rapport à la façon dont on fait société. La permaculture a pour vocation d’entreprendre les communs, de les redéfinir pour une meilleure gestion des ressources et une gouvernance partagée. Philosophiquement, je fais partie des gens qui s’interrogent sur la façon dont l’homme interagit avec son environnement. Alors j’ai passé un certificat spécialisé en maraîchage bio, parce que c’était son application technique qui m’intéressait. Aujourd’hui, hélas, les modèles agricoles sont trop administratifs, il faut rentrer dans une sorte de carcan, apprendre à démarcher pour obtenir des financements… Or, ce qui m’intéressait, c’était la technique agricole, et la permaculture non pas en tant qu’alternative à l’agroéconomie, mais bien plus dans sa proximité avec l’urbanisme et l’aménagement du territoire. Il s’agit de travailler tout à la fois sur le terrain de l’écologie, du terroir, du social et de la culture patrimoniale.

Et pour la petite histoire, je peux bien dire qu’ayant grandi en campagne, j’étais déjà passionné par l’observation du vivant et par le goût. Ce qui me sensibilise, c’est ce qui nous relie à l’environnement écologique, mais aussi cette assiette qu’on se prépare et qu’on va partager avec les gens.

 

Depuis le milieu musical dans lequel tu évoluais, tu as quand même radicalement changé d’histoire…

Pas vraiment… Il me semble que pour nous qui défendons cette écologie de la transition, il s’agit de se remettre en relation et d’avoir une vision culturelle qui ne soit pas dans la concurrence mais dans la coopération. Et la musique, c’est mettre en relation des architectures pour qu’elles fassent harmonie. En fait, c’est plutôt une suite logique, dans laquelle on ne voit pas les choses de façon fragmentées mais comme des systèmes qui ne se dégraderaient pas. C’est aussi ce que j’enseigne à l’École d’Architecture de Luminy, l’hospitalité et la soutenabilité dans le cadre d’un D.E d’architecture située.

 

Aujourd’hui, tu mets en acte tout cela au sein de l’association que tu as fondée, Cultures Permanentes. Peux-tu nous raconter ce qui s’y fait ?

L’idée de Cultures Permanentes m’est venue en 2012, et comme cela demandait beaucoup de compétences, il a fallu chercher à associer et à s’associer. Cela a donc pris la forme d’une association quatre ans après, en 2016, dont l’objet est de faire de l’accompagnement et du conseil aux particuliers, aux agriculteurs et aux associations. Nous œuvrons dans l’ingénierie de projets : on peut s’attaquer au bâti, à la gouvernance, à la pédagogie, à la production agricole… En clair, nous sommes à la croisée de l’agronomie, du paysage, de l’écologie et de la gouvernance. L’idée que nous développons est que dès la conception, on est dans le transdisciplinaire, on intègre tous les processus, on éduque le regard, on définit une méthode pour un geste résilient.

 

Plus concrètement, aujourd’hui, Cultures Permanentes, c’est presque quarante jours de formation dispensées à l’année, un cœur d’équipe qui varie de trois à huit selon nos quotidiens (Taïb, Romain, Rémy, Ayito, Geoff, Cristiano, Isabelle et Frede), et déjà tout un référentiel de petites formations, pour lesquelles on met en place des tarifs progressifs et solidaires. Nos interventions se déroulent un peu partout en France, en Afrique, et sur tous types de projets et de terrains, au sens propre comme au figuré.

 

Et à Marseille, au Centaure, qui a été le premier terrain de jeu de Cultures Permanentes, que faites-vous ?

À la réimplantation de leur compagnie dans le 9e arrondissement, les Centaures se sont posé la question des modes d’implication du public dans un quartier où l’on arrive et que l’on ne connaît pas. L’idée du jardin est rapidement venue, ce qui a permis de mettre en place un chantier participatif permanent. Aujourd’hui, les jardins du Centaure, c’est un paysage fait de 300 espèces, toutes comestibles. On y a fait œuvre pédagogique : une dizaine de personnes sont là tout le temps, et de façon plus ponctuelle des jeunes, notamment ceux du centre social. Mais tout le monde peut venir et mettre la main à la pâte ! Ici, on ne fabrique pas un potager, mais un paysage complet, fait de plantes pérennes, on y a réinvité des plantes sauvages : c’est un paysage à la fois ensauvagé et cultivé. On est vraiment dans ce projet d’interface entre la ville et la nature. Ce paysage ainsi créé nous permet de dispenser des formations en ethnobotanique, en naturopathie, en gastronomie, pour la plupart toutes transversalement liées à la santé. Parce que si on est conscient de son environnement et qu’on en connaît les usages, alors on pourra le protéger : c’est notre credo, dont on veut être le couteau suisse.

 

Propos recueillis par Joanna Selvidès

 

 

Prochaines formations à Marseille :

  • De la permaculture à la permaéconomie / Réinventons nos modèles économiques avec Emmanuel Delannoy : les 6 & 7/06

  • Initiation à la naturopathie / La connaissance de soi : le 15/06

Rens. : www.cultures-permanentes.com / www.facebook.com/Cultures.Permanentes/