L’Interview | Rhoda Scott 

À l’âge de 81 ans, la « Barefoot Lady », surnommée ainsi car elle active pieds nus le pédalier de son orgue, viendra brûler les planches de quelques scènes provençales. Petite conversation déconfinée avec une grande dame du jazz, d’origine étasunienne mais solidement établie dans l’hexagone.

 

Comment vivez-vous cette période singulière ?

Je suis très enthousiaste à l’idée de retourner sur scène. Pendant le confinement, je n’ai pas cessé de m’entraîner pour conserver toutes mes capacités. J’ai surtout travaillé le côté technique pour éviter de m’ankyloser. Certains ont livré des performances sur internet. Ce n’est pas mon cas.

 

En tant que jazzwoman, comment envisagez-vous la place des femmes dans cet univers musical ?

J’ai la chance d’être entourée de jeunes femmes très créatives, en particulier au sein de mon Ladies Quartet, avec des saxophonistes comme Sophie Alour, Lisa Cat-Berro, Géraldine Laurent ou la batteuse Julie Saury. Les femmes ont particulièrement percé dans le jazz pendant la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis, quand les hommes étaient au front. Puis elles sont retournées dans leurs foyers. Pour ma part, je ne peux pas me plaindre, même si parfois j’ai senti quelques réticences pour le simple fait que je suis une femme. Je me suis affirmée. Je crois savoir qu’il n’y a que 7 % de femmes dans les musiciens de jazz. Mais la conscience des capacités artistiques de celles-ci se développe. Avec l’air du temps, elles sont en train de s’affirmer. On ose enfin dire que l’on fait du jazz ! Avec mon groupe de femmes, on voit souvent des familles qui viennent discuter avec nous après nos concerts, pendant les signatures, et qui nous disent qu’on sert d’exemple pour leurs filles, qu’elles sont fières… ce n’est plus une curiosité : c’est une fierté.

 

Comment percevez-vous les mobilisations des populations de part et d’autre de l’Atlantique suite, entre autres, à l’assassinat de George Floyd par la police ?

Ces mobilisations autour d’un mouvement comme Black Lives Matter me touchent énormément. Ma mère était blanche et mon père était noir. J’ai subi du racisme des deux côtés. Je pense qu’il faut se forger un chemin quel qu’il soit. J’ai pour ma part développé une grande détermination à dépasser les barrières raciales.

 

Propos recueillis par Laurent Dussutour

 

Rhoda Scott : le 11/09 à Meyreuil pour le festival Blues Roots