L’Interview : Mehdi Haddjeri (Temenik Electric)

Le quintet marseillais de rock saharien sort enfin son premier album. Ouesh hada ?, c’est son titre, en arabe. Traduisez par « qu’est ce que c’est ? ». Naturellement, nous avons posé la question à son fondateur.

 

Tu dis avoir redécouvert, lors d’une résidence en Algérie, les musiques qui ont inconsciemment bercé ton enfance. Pourrais-tu nous en dire plus ?
Consciemment et inconsciemment. Je me suis rendu compte que ma culture rock était là, toujours présente, de par mon passé, mais que petit, pendant les fêtes, j’écoutais des musiques du Maghreb. Elles ont donc ressurgi en moi en 2010. Je pense tout particulièrement à la mouvance raï liée à des artistes comme Cheikha Rimitti, Khaled et bien sûr après, Carte de Séjour, l’un des premiers travaux de rapprochement entre le rock et les musiques orientales.

On a souvent l’impression que les gros festivals, en parlant de « musiques du monde » ou « world music », cantonnent les musiques extra-occidentales dans un seul et même registre, alors qu’elles n’ont souvent pas grand-chose à avoir les unes avec les autres. Quel est ton point de vue sur ce phénomène ?
L’alchimie, le mariage ne se fait pas toujours. Mais au fil du temps, j’ai pu constater tellement de similitudes entre la transe gnawi et la techno, ou entre le blues du désert et celui du bayou… Après, effectivement, il y a des groupes étiquetés « world » qui pensent faire recette avec cette étiquette. On voit tout de suite si c’est authentique ou pas. Depuis les années 80, époque durant laquelle on a découvert la « world music » en Europe, des choses ont pris, et d’autres moins.

A-t-il été difficile de sortir ce disque depuis Marseille ?
Non, aujourd’hui, c’est plus facile de faire de la musique. Et puis, on a de la chance d’avoir une structure comme le Nomad Café (Ndlr : dont il est le directeur) derrière nous. On y a tout enregistré, puis le mixage s’est fait au studio La Fabrique (Saint-Rémy-de-Provence), juste après Nick Cave…

Dans une interview, tu dis avoir envoyé plusieurs de vos morceaux à des amis tunisiens, pour les soutenir peu avant la Révolution de jasmin. Avez-vous pris part à l’événement ?
Pas du tout. Au retour d’un voyage en Tunisie, au mois de juillet qui précédait le Printemps arabe, j’ai voulu écrire un morceau sur la situation particulièrement tendue que vivaient alors les Tunisiens. Un morceau finalement prémonitoire, qui parlait de soulèvements, de faire ralah dans la rue. Ça m’a donc fait bizarre lorsque les événements ont eu lieu, en décembre. On essaie d’ailleurs d’aller jouer au Maroc et en Algérie, au même titre que l’on va bientôt jouer en Allemagne et en Italie.

« Mes questions ont les réponses que je veux bien leur donner, avec rage ou tendresse. » Il semblerait que les textes de Temenik Electric ne nomment jamais clairement les choses, comme pour laisser à l’auditeur le soin de se réapproprier les morceaux…
Exactement. La question s’est aussi posée sur le choix de la langue. Nous nous sommes alors dit que l’album allait entièrement être en arabe, pour la simple et bonne raison que lorsque j’écoute un morceau en anglais, la première chose que je perçois, c’est ce que je ressens : même si l’on ne comprend pas ce qui se dit, on peut comprendre ce qui se raconte. Cela crée une ouverture. Il y a quelques années, avec un ami, on s’est même penché sur les textes de Bashung, pour réaliser que l’on ne comprenait pas vraiment ce qu’il voulait dire, mais que l’on saisissait, avec la musique et l’interprétation, ce qu’il nous racontait. Nous avons voulu transmettre cet angle d’écoute dans Ouesh Hada ?.

Propos recueillis par Jordan Saïsset

 

L’album  Ouesh Dada ? (Nomad Café Production) est disponible dans les bacs.
Rens. www.temenikelectric.com

Concert, en première partie de Richard Kolinka Even If : le 10/05 à l’Usine (Istres).

Rens. 04 42 56 02 21