L’interview : Maïanne Barthès

L’interview : Maïanne Barthès

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Il y a quelques semaines, nous évoquions dans ces colonnes le travail de la compagnie United Megaphone sur Le Jardin de Reconnaissance de Valère Novarina. La jeune troupe, issue de l’école de la Comédie de St Etienne, est de retour à Marseille pour y présenter sa première création, Je hais les voyages et les explorateurs. Rencontre avec la metteuse en scène.

La pièce est un assemblage de deux textes : L’Uruguayen de Copi et A la découverte des Ur Bororos de Will Self. Deux textes qui, chacun à sa manière, nous font découvrir le voyage, non dans la béatitude de l’exotisme, mais par la description d’un sentiment universel : l’ennui. Dans le premier, un observateur décrit la vie quotidienne d’un peuple fictif dans un Uruguay tout aussi fictif. Dans le second, un anthropologue raconte celle des Ur Bororos, une ethnie pas plus réelle que la première. Le hic, c’est que « Les Ur Bororos sont des gens profondément chiants ». Le drôle, c’est qu’à travers cet ennui perce une irrésistible ironie.

Comment transposer ces deux textes sur scène ?
On a beaucoup travaillé en amont, on a brouillé les pistes en quelque sorte. Dans le texte de Will Self, il y avait un narrateur enchâssé dans le récit d’un autre. Il a fallu adapter légèrement le récit, modifier la démultiplication des deux narrateurs. On a par exemple choisi de faire incarner des personnages masculins par des femmes. On joue aussi beaucoup avec les prises de parole. Par contre, chez Copi, il n’y avait rien à ajouter ni à retrancher. Au final, la narration joue avec les codes de l’adresse au public, qui devient partenaire de l’acteur.

En tant qu’acteurs, qu’avez-vous expérimenté en travaillant sur l’ennui ?
Ça a été une expérience particulière. Il est difficile pour un acteur de prendre conscience qu’on peut être « productifs », « créatifs » en ne faisant rien. Dans le parcours de formation d’un acteur, c’est toujours un moment clé. Même un acteur professionnel qui a compris ça aura tendance à vouloir être efficace, à utiliser rapidement la parole ou l’action. Ça m’évoque beaucoup ce qu’on fait dans la vie : on est dans une surenchère de choses, d’activités… C’est cela qui a été le point de départ : on a construit le spectacle sur ce qu’on fait pour ne pas s’ennuyer, plutôt que sur le rien à proprement parler. Il n’y a pas vingt minutes sur le plateau où les acteurs ne font rien. On l’a éprouvé dans le travail, mais on est vite allés chercher autre chose. Comme on a tricoté tout ça à partir de ce que les acteurs proposaient sur le rien, la teneur du spectacle tient aussi là-dessus.

Y a-t-il quelque chose pour nous sauver de cet ennui mortel, de ce désespoir ?
Chez Copi, c’est désespérément joyeux : face à une catastrophe terrible, il y a un regard ironique, qui fait qu’on accepte tout, même le plus terrible. Will Self a une autre manière d’aborder les choses. Mais dans tous les cas, il y a un rapport au rire salvateur, qui nous sauve de l’ennui.

Propos recueillis par Samuel Padolus

Je hais les voyages et les explorateurs : jusqu’au 9/04 au Mini-Théâtre du Panier (96 rue de l’Evêché, 2e). Rens. Théâtre de Lenche : 04 91 91 52 22 / www.theatredelenche.info