L’Interview : Danielle Bré

L’Interview : Danielle Bré

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Aix-en-Provence abrite en son sein un lieu atypique, le Théâtre Antoine Vitez, installé en plein cœur du site universitaire de la faculté de lettres. Il nous a paru utile d’interroger la relation entre université et théâtre avec sa présidente, Danielle Bré.

Il est bien bizarre, comme le thème de cette saison (« A l’école des bizarres »), de trouver un théâtre dans un campus universitaire. Pourquoi cette implantation ?
Deux moments clés l’expliquent. Dans les années 70, Pierre Voltz, maître assistant en littérature et grande figure universitaire du théâtre, a créé avec moi une formation théâtrale à l’université, alliant 50 % de théorie et 50 % de pratique pour préparer les étudiants à tous les métiers du théâtre. Ensuite, au début des années 90, face à la critique du manque de professionnalisation des étudiants en théâtre, nous avons mis en place des financements croisés pour créer le théâtre dans l’université. Géré par une association et doté de la capacité d’acheter des spectacles, le théâtre est donc relativement autonome.

Votre programmation accorde une large part au travail avec les étudiants. Comment, sous l’angle de l’expérience Vitez, s’articule leur relation avec la pratique théâtrale ?
Tout d’abord, ayant été à la fois directrice des études théâtrales à l’université et directrice artistique du théâtre, le lien organique entre pratique théâtrale et université était déjà fort au départ. Ensuite, les intervenants en pédagogie à l’université sont, dans la majorité des cas, des praticiens dont les spectacles peuvent être achetés, accompagnés par nous. Tout comme les étudiants, accompagnés par des metteurs en scène, avec cinq spectacles représentés au théâtre dans l’année. Il y a d’autres exemples : les stages dans le théâtre, l’encadrement de pratiques amateurs qui se concrétise par le festival 3 Jours Et Plus… Par ailleurs, nous sommes aussi un centre de ressources pour toutes les filières.

Vous avez également noué des partenariats avec les collèges et lycées. Pourquoi ce choix ? Cela aboutit-il à une forme de dialogue particulier entre enseignement secondaire et supérieur ?

Il n’y a pas encore de vrai dialogue entre ces deux maillons. Nous avons choisi de mettre en place ce travail avec les scolaires pour des raisons naturelles, puisque la perception d’argent public requiert, notamment, de renouveler les publics. Ce qui nous est propre, c’est la manière de faire. Nous avons voulu amener le milieu scolaire à nous pour qu’il se frotte aux professionnels du théâtre. Dans nos partenariats, nous adaptons notre démarche à chaque professeur, quitte à le déranger dans ses habitudes, et nous organisons des rencontres entre ateliers scolaires de pratiques théâtrales pour que les élèves se confrontent entre eux. Cela a abouti au Festival des Bahuts.

L’autre dimension importante et singulière du Théâtre Vitez est l’importance de l’amateur. Quelle passerelle y a-t-il entre l’amateur et le milieu universitaire ?
Les amateurs sont nombreux, de l’étudiant au retraité. Il existe d’une part des ateliers encadrés par des étudiants en formation d’intervenant artistique, qui aboutissent au festival 3 Jours Et Plus… Ensuite, pour le festival Amateurs du Pays d’Aix, nous accueillons autant ceux qui font des ateliers sous la direction de professionnels que ceux qui font du théâtre « entre eux ». Ce sont les premiers inscrits qui sont retenus dans le festival et un bilan est réalisé avec eux après. Tout ce monde est, aussi bien que les professionnels, reçu le reste de l’année, sur le plan technique notamment. Ce travail aboutit à une vraie circulation entre Vitez et les compagnies amateurs ; d’autant que nous leur proposons un tarif préférentiel pour qu’ils pratiquent et voient du théâtre.

Qu’en est-il des publics ?
Avant toute chose, je parlerais du public et non des publics. Je suis contre le communautarisme et je ne veux pas mettre les spectateurs dans des catégories. Le thème de la saison rassemble. Il est à la triangulation de nos existences communes, de la sensibilité des gens et des enjeux esthétiques. En payant des impôts, qui servent en partie à financer le théâtre, le spectateur est solidaire du service public et a donc, en lui, une part de public. Ce n’est pas seulement un consommateur de spectacles. Nous essayons aussi de diversifier le plus ce public par une politique tarifaire basse.

Le 1er janvier 2012 marque l’avènement de l’université unique d’Aix-Marseille, issue de la fusion des trois universités actuelles. Cela va-t-il avoir un impact sur votre travail ?
On a pris nos précautions en signant la convention triennale entre le théâtre, l’Université de Provence et la Direction régionale des affaires culturelles avant le 1er janvier 2012, et nous espérons bien jouer un rôle dans la future salle de spectacle qui émergera des locaux de l’actuelle bibliothèque universitaire à l’horizon 2015.

Propos recueillis par Guillaume Arias

Théâtre Antoine Vitez (Université de Provence, 29 avenue Robert Schuman, Aix-en-Pce).
Rens. 04 42 59 94 37 / www.theatre-vitez.com