L’interview - Claire Simon

L’interview – Claire Simon

Ventilo est allé à la rencontre de la réalisatrice des Bureaux de Dieu, le coup de cœur ciné de la rédaction !

Pourquoi, avec un tel sujet, faire une fiction plutôt qu’un documentaire ?
Tout simplement parce qu’on ne peut pas faire un documentaire sur ce qui est totalement secret. La parole qui a lieu pendant les entretiens existe car elle est anonyme, elle ne sortira pas du planning familial. Des documentaires ont pu se faire, mais on ne voyait pas le visage des gens, et je n’avais pas envie de ça car je trouve vraiment que ça n’a pas de sens de demander ça aux femmes et aux filles qui viennent. Je voulais rendre compte de ce qu’est vraiment un entretien, la manière d’écouter… Si on ne filme pas le visage des gens, on a très vite l’impression en tant que spectateur que seuls des cas sociaux, des femmes qui n’ont pas de chance fréquentent le planning familial, alors que ça concerne toutes les femmes. Ça a un côté presque universel. Pour moi, c’était très important de partir de la normalité.

Justement, comment filme-t-on la normalité ?
Il ne faut pas avoir peur… Peur qu’il ne se passe rien. C’est quand on attend, quand on a l’impression qu’il ne se passe rien que les choses les plus importantes adviennent. Cette normalité-là n’est pas la même aujourd’hui qu’il y a trente ans, et c’est ça que je trouvais intéressant de montrer.

Mais comment avez-vous fait pour savoir ce qui se passe vraiment dans un planning familial ?

J’ai vu comment fonctionnaient certains plannings comme à Marseille, à Grenoble, à Paris, à St Denis. J’y suis allée souvent, je me suis presque obstinée pour gagner la confiance de certaines filles et femmes. J’ai assisté à des entretiens, enregistré les conversations, je prenais des notes… A partir de là, j’ai essayé de gardé la « dramaturgie » de chaque entretien tout en réduisant sa durée pour les besoins du film, car un seul entretien peut durer plus d’une heure. Ce n’est pas un film sur le planning, mais un film au planning. Le lieu est important, c’est lui qui fait apparaître l’histoire.

Comment avez-vous choisi les actrices ?
Avec goût … (rires) ! Il y avait dans le scénario deux types de rôles : d’un côté les conseillères, les médecins… de l’autre, les filles et les femmes qui viennent au planning familial. Pour les premières, je n’ai choisi que des actrices professionnelles. Pour les secondes, ce ne sont que des actrices amatrices. L’idée, c’était de retrouver dans cette rencontre de cinéma ce qui se passe vraiment au planning entre des conseillères dont c’est le métier, la conviction, et des femmes ou des filles qui viennent là pour des raisons très personnelles.

Les bureaux de Dieu, d’où vient ce titre ?
Dieu, c’est la puissance ! Le bureau, c’est ce petit truc merdique. Le planning familial, perché au dernier étage d’un immeuble, c’est là que la puissance officie sous des airs de poussière et de banalité. La puissance, c’est le choix, le choix de sa vie. Avant, quand une fille tombait enceinte sans l’avoir vraiment décidé, on était résigné, on disait que Dieu l’avait voulu ainsi. Aujourd’hui, Dieu a son bureau là-haut, au 13 boulevard D’Athènes (1) !

Propos recueillis par nas/im le 15/10 au cinéma Les Variétés

Notes
  1. Adresse du planning familial à Marseille[]