Chris Esquerre

L’Interview | Chris Esquerre

Le Théâtre du Jeu de Paume programme, pour notre plus grand plaisir, Sur rendez-vous, le dernier spectacle de Chris Esquerre. L’occasion d’échanger sur la mécanique du rire et ce qui se cache derrière cet artiste au talent hors norme.

 

Parlez-nous de La revue de presse des journaux que personne ne lit dans L’Édition spéciale de Bruce Toussaint sur Canal + en 2007…

Au départ, je suis un gros lecteur de presse. Quand la rédaction de Canal + a souhaité présenter une revue de presse, j’ai voulu le faire de manière humoristique. Pas dans l’idée de me moquer, mais plutôt de mettre en avant une presse méconnue du grand public. En France, il y a une aide à la création de magazines. Beaucoup voient le jour, mais ne dépassent pas le deuxième numéro. D’autres comme Sanglier Passion ont plus de lecteurs que Libération. Il était intéressant de faire le point sur cette richesse de la presse. Il y a des revues qui font rire une fois, le travail de l’humoriste consiste à nous emmener plus loin, à détourner le sens. C’était un gros boulot, je passais une semaine par chronique.

 

Y a-t-il une mécanique du comique ?

Le comique est un sujet passionnant, c’est un langage commun qui vient de l’éducation, des parents, du regard sur nous-mêmes, du pas de côté… C’est très dur de dire pourquoi certains rient. Aucun humour n’est universel. Mon travail, c’est de partager ce qui me fait rire, je ne peaufine pas mon spectacle, si ça me fait rire, je le présente. J’aime bien le non-dit, que le spectateur fasse la moitié du chemin. L’humour miroir, celui qui nous renvoie nos défauts, m’intéresse moins, il n’apporte rien d’autre qu’un constat. J’aime bien l’incongru. Je ne suis pas sensible aux jeux de mots, ou alors je fais exprès d’en faire des mauvais. Je ne ris pas quand je fais une vanne, je ne veux pas expliquer où il faut rire.

 

Vous dîtes que votre nouveau spectacle Sur rendez-vous part d’une page blanche. Quels sont les premiers éléments sur lesquels vous pouviez vous appuyer ?

Depuis la fin du premier spectacle, dont la dernière date était en 2014, j’avais des briques sans début, ni fin. Il y a des bouts de sketches mis en abîme, la cohérence est venue assez tard et le titre à la toute fin.

 

Y a-t-il une part d’improvisation liée à une certaine confiance dans le fait de pouvoir faire rire ?

Le spectacle est très millimétré, ce n’est pas dépendant des rires de la salle. C’est plus proche du théâtre, avec des représentations proches les unes des autres pour créer du rythme. Pour oublier ce qui est écrit, il faut beaucoup de précision.

 

Comment faites-vous pour garder la flamme dans votre capacité à faire rire quand vous répétez le même spectacle tous les soirs ?

Quand on joue trop souvent, on s’emmerde, je suis incapable de jouer six jours par semaine. Le plaisir de la tournée, c’est de n’avoir qu’une ou deux dates. Espacer le plus possible les dates pour retrouver le plaisir du jeu et le plaisir de faire plaisir. À Avignon, j’ai joué vingt-quatre fois d’affilée et j’ai failli arrêter. C’est le moment où l’on m’a conseillé d’insister pour trouver le plaisir.

 

Finalement, le style l’emporte-t-il sur le fond ?

Peut-être qu’il suffit de comprendre la surface pour voir ce qu’il y a au fond, mais la forme n’existe que parce qu’il y a du fond. Les gens connaissent mon travail, ils devinent la mécanique. Le plus dur est de continuer à les surprendre, plutôt que de les faire rire. Il ne faut pas chercher la posture.

 

Propos recueillis par Karim Grandi-Baupain

 

Sur rendez-vous : les 8 & 9/10 au Théâtre du Jeu de Paume (17-21 rue de l’Opéra, Aix-en-Provence).

Rens. : 08 2013 2013 / http://lestheatres.net/

Pour en (sa)voir plus : http://chris.esquerre.free.fr/