L’interview - Bernard Latarjet

L’interview – Bernard Latarjet

Deux semaines après la victoire marseillaise au titre de Capitale Européenne de la Culture 2013, qu’en est-il du projet qui a convaincu le jury européen ? Que peut-on espérer pour Marseille ? Bernard Latarjet, directeur du projet de candidature, répond : engagez-vous !

B-Latarget.jpgMaintenant que c’est « gagné », on dirait que tout le monde soutient la candidature de Marseille, non?
Il y a toujours des sceptiques à Marseille, cela fait partie de la culture locale, mais je n’ai jamais eu l’impression que c’était la majorité de la population. Cela dit, effectivement, le succès de la candidature a amplifié ce mouvement d’adhésion. Les gens me le disent, dans la rue, dans le train. J’ai l’impression que les citoyens dans l’ensemble sont plutôt heureux et les sceptiques en sont pour leurs frais !

Et maintenant, qui va prendre les décisions concernant le plan d’attaque des projets ?
Les décisions sont prises par le Conseil d’administration qui constitue le gouvernement de la candidature. Elles sont préparées par le comité de pilotage qui va redevenir très actif dans les semaines qui viennent. Comme nous l’avons dit devant le jury, le fonctionnement de ce gouvernement de la candidature a fait ses preuves !

Quelles sont les évolutions possibles par rapport au projet tel qu’il a été présenté ?
Il est trop tôt pour le dire précisément. Le projet tel qu’il est constitue un guide qui engage déjà beaucoup de choses. Des projets sont déjà engagés dans leur réalisation : nous n’avons pas attendu la décision finale du jury pour commencer à lancer des projets : leur réalisation va s’accélérer. Et ce, en fonction du budget 2009. Mais le jeu reste ouvert, rien n’est coulé dans le marbre. Sachant qu’il faut deux ou trois ans pour préparer les manifestations majeures — une exposition internationale, un nouveau festival — ou pour lancer des commandes artistiques…

D’où provient l’argent qui finance les projets ?
Il vient essentiellement des collectivités territoriales : de la communauté urbaine, du département, de la région, des autres communautés de communes et en partie, de l’Etat. Mais aussi de financements privés, de partenariats avec le monde économique. Tout cela représente quatre-vingts dix-huit millions d’euros.

Il y a beaucoup d’élus dans ce conseil d’administration : peut-on craindre que ce projet reste entre les mains d’une poignée de gens ?
Mais c’est toujours comme ça ! Tout type de projet est finalement entre les mains de ceux qui paient. Et ceux qui paient utilisent l’argent du contribuable, ce sont eux qui commandent. Certaines institutions culturelles vont coproduire une partie des manifestations et donc décider aussi : les élus n’ont pas la totalité des décisions entre les mains. Ils sont importants parce qu’ils paient beaucoup. A l’intérieur de thèmes balisés, il existe encore beaucoup de place pour des projets à venir.

Donc, il y a de la place pour tout le monde ?
Non ! Il n’y a jamais de la place pour tout le monde. Tout le monde n’obtiendra pas le même pourcentage de moyens, c’est de la démagogie de dire cela. Il y a de la place pour ceux qui « veulent ». Comme peuvent en témoigner tous ceux qui sont venus nous voir depuis deux ans avec des projets sérieux en accord avec les thèmes choisis dans la ligne de cette candidature.

Que peut-on dire à ceux qui ont peur d’être les oubliés de la fête ?
C’est normal. Cela a été comme ça dans toutes les capitales européennes de la culture : du fait de la dimension exceptionnelle des projets, il y a toujours une partie des acteurs qui redoute de ne pas en profiter ou d’être oubliée. Mais j’ai toujours dit aux acteurs de ce territoire, grands ou petits : faites des propositions, participez ! Je ne suis pas quelqu’un qui va se substituer aux pouvoirs publics pour distribuer de l’argent ! Je ne suis pas un guichet, mais un producteur de projets. Je suis prêt à collaborer avec tous ceux qui ont des projets et qui viennent en parler. Mais qu’ils n’attendent pas en se barricadant, en se demandant si cela va finalement leur retomber dessus. Une capitale européenne de la culture, c’est le rassemblement de tous ceux qui ont des projets et qui sont prêts à les partager. On les étudiera tous, et ensuite, comme toujours, il y aura des choix à faire.

Vous avez déclaré que Marseille était probablement, parmi les candidates, la ville qui avait davantage besoin de cette victoire : cela a t-il eu un poids décisif dans la décision du jury ?
Non, il ne suffit pas d’en avoir le plus besoin pour l’emporter, encore faut-il prouver que l’on est capable de réaliser les projets ! Cela a joué parmi les autres facteurs. Mais le fait qu’une ville soit engagée dans une dynamique de progrès pour surmonter ses difficultés a bien sûr été pris en compte par un jury européen. Et c’est normal.

Cela peut-il réellement représenter un renouveau pour Marseille ?
C’est un processus similaire pour toutes les capitales européennes de la culture et c’est pour cela qu’il y a de plus en plus de villes qui souhaitent être candidates. Les réalisations dynamisent l’ensemble d’une cité et de ses citoyens : les associations dans les quartiers, les salariés et les institutions culturelles… C’est l’occasion de donner du souffle à des projets et au bout du compte, d’offrir à la ville plus de rayonnement et de visibilité internationale. Globalement, une ville est reconnue par toute l’Europe comme une métropole européenne, elle se dote d’un pouvoir d’attraction avec ce phénomène : cela a été le cas pour Lille. Et si l’on a tant de témoignages de Marseillais qui ne sont pas des professionnels de la culture, c’est qu’ils sentent bien que c’est porteur. Bien sûr, cela ne règlera pas tous les problèmes de la ville, qu’ils soient sociaux, économiques ou urbains. Mais c’est un facteur d’accélération de l’ensemble des efforts de progrès qui sont engagés depuis des années dans ce territoire.

Propos recueillis par Bénédicte Jouve
Photo : EPPGHV-W. Beaucardet

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Les grands chantiers

Le projet marseillais, qui met en valeur les échanges culturels entre l’Europe et les pays du Sud, s’appuie entre autres sur quelques grands chantiers culturels lancés sur le périmètre d’Euroméditerranée. Sur moins de six km2, entre le Vieux Port et les bassins portuaires d’Arenc, cinq équipements majeurs verront le jour d’ici à 2013.

– Le Musée des civilisations d’Europe et de Méditerranée (Mucem), conçu par Rudy Ricciotti et Roland Carta (146 millions d’euros d’investissement) ;

– Le Centre régional de Méditerranée, conçu par Stefano Boeri (40 millions d’euros) ;

– La transformation des anciens silos à grains en salle de spectacles, conduite par le groupement Sogima-Castaldi (50 millions d’euros) ;

– La réalisation du nouveau Fond régional d’Art contemporain (FRAC PACA), dessiné par Kengo Kuma (10 millions d’euros) ;

– L’aménagement de l’esplanade du J1 pour accueillir les grands évènements…