Liebestod © Christophe Raynaud de Lage

Liebestod d’Angélica Liddell

Amor, à mort

 

Dans Liebestod: el olor a sangre no se me quita de los ojos, inaugurée en Avignon à l’été 2021, Angélica Liddell dévoile à nouveau entièrement son âme, se livrant sur ses contradictions profondes et intimes, son romantisme suicidaire et sa quête absolue de beauté.

 

Qu’iels se lèvent pour quitter la salle en plein spectacle ou pour la saluer d’un tonnerre d’applaudissements, l’artiste espagnole ne laisse personne dans l’indifférence.

C’est qu’Angélica Liddell, aussi iconoclaste et provocatrice soit-elle, se revendique d’un classicisme opiniâtre.

Le titre du spectacle renvoie au Tristan et Isolde de Wagner, ainsi qu’à un vers d’Eschyle qui a obsédé Francis Bacon, et à la figure du matador Juan Belmonte, héros andalou de la corrida qui s’est suicidé. Les références sont légion dans ses pièces où elle fait se côtoyer sadiquement les grands maîtres et les affaires contemporaines macabres, sa vie personnelle agissant comme liant, et d’où surgit une poétique du sordide, une sublime tragédie.

Après une succession de tableaux à la composition léchée, mettant en scène un monolithe kubrickien, une stature divine et sa horde de chats, la Liddell entre littéralement dans l’arène. S’ensuit une longue première scène, la plus trash graphiquement parlant, de lamentations empreintes de vanités.

L’adresse qu’elle donne ensuite, dans laquelle elle invective ses fidèles, calomnie tant qu’elle peut, n’est qu’une autre forme de pleurs et de lamentations.

Son propos est volontairement dérangeant et on peut s’interroger : est-elle vraiment réac, misanthrope, misogyne à ce point ? Peut-on séparer la femme de l’artiste ?

Son large sourire au moment des saluts laisse à penser que le niveau d’exigence qu’elle se donne envers elle-même est à la hauteur de sa générosité d’artiste et de poétesse.

 

Barbara Chossis

 

Liebestod était présenté du 9 au 11/02 au Théâtre La Criée.