Liberté d'expression / Tomber dans les pommes, certes, mais pourquoi donc ?

Liberté d'expression / Tomber dans les pommes, certes, mais pourquoi donc ?

Un vieil adage raconte qu’on ne choisit pas sa famille mais ses amis, signifiant peu ou prou que l’être humain est en droit, après avoir composé avec les névroses familiales, de s’en aller à sa majorité afin de fréquenter des personnes avec lesquelles il sera en parfaite harmonie. Or, ce que ce vieil adage ne dit pas au sujet de l’harmonie, c’est qu’il y a toujours une fausse note, un bémol. Un gros, le cas présent, puisque l’amie (sic) dont je ne révélerai pas l’identité, est du genre blonde à retardement, pouvant s’évanouir, perdre connaissance, se trouver mal, partir, bref, nous pourrir la vie, à tous moments, sans signe avant-coureurs. Qu’elle soit dans une salle de concert ou une file d’attente lambda, elle tombe et retombe comme un vieux soufflé. Aussi, à force de tomber dans les pommes à tout bout de champ, sans jus aucun, nous nous sommes demandés, mes amis et moi-même, pourquoi le fruit du pommier était toujours là pour amortir sa chute ? Et bien, tout porte à croire que cette image fruitée a vu le jour au XVe siècle avec l’expression « tomber en pâmoison », soit défaillir d’émotion devant quelqu’un, où il était déjà question de chute mais un peu moins de pommes. Ce n’est qu’au XIXe siècle que les pommes commencèrent à prendre du galon via une lettre de George Sand dans laquelle, alors pressée comme un citron par son éditeur, elle signifia par la formule « être dans les pommes cuites » une grosse fatigue à une amie qui prit la nouvelle en pleine poire. Icelle, qui avait toujours la pêche, décida de ramener sa fraise auprès de son amie aux pépins de santé, qui, rouge comme une tomate devant l’altruisme de son amie, tomba de fait et pour de bon dans les pommes — quelle marmelade… Ce qui, au final, nous ramène à ce qu’avait déclaré, avec la gravité qu’on lui connaissait, Isaac Newton, plutôt calé en pommes pour en avoir pris une sur le sommet du crâne : « Tomber dans les pommes, c’est bien, savoir pourquoi, c’est mieux. »

Henri Seard