L’événement - La Fiesta au rendez-vous

L’événement – La Fiesta au rendez-vous

Les années passent et l’événement perdure, chaque année au mois d’octobre. Pour sa dix-septième édition, la Fiesta des Suds rend plus compacte sa proposition, tant sur un plan artistique que pratique. Le détail avec la rédaction, qui s’y retrouve.

fiesta.jpgQu’on la plébiscite ou qu’on la vilipende, eu égard à la dimension maousse qu’elle a acquise au fil des ans, la Fiesta des Suds est un incontournable de la rentrée. Un monument qui, par définition, restera solidement campé sur ses fondations, mais un monument que l’on visitera quand même, sûrs d’y retrouver une part de l’émotion glanée la fois dernière, d’y découvrir encore un petit quelque chose. Quoi de neuf, donc, pour cette nouvelle édition ? Deux axes forts nous permettent chaque année d’introduire l’événement : le contenant et le contenu. L’aménagement du Dock et la programmation. En attendant que les institutions, avec l’élan provoqué par le titre de Capitale de la Culture attribué à Marseille, ne donnent à la Fiesta les moyens de franchir potentiellement un nouveau cap, ce sont les deux seuls axes autour desquels celle-ci peut aujourd’hui surprendre encore. De ce côté-là, il sera difficile de faire plus insolite que la grande scène, toujours nichée sous la passerelle autoroutière : un pari réussi, puisque le son y est paradoxalement très correct (et que la circulation s’y fait de manière plus fluide depuis l’an dernier). Mais la nouveauté en termes d’aménagement, cette année, c’est que la salle principale du Dock a été reconvertie en espace de… restauration. Un « essai », dixit Bernard Aubert, pilier de la manifestation automnale, qui renvoie de fait bon nombre de concerts dans la salle Cabaret, traditionnellement dévolue à la discothèque. Pour faire court, il y aura donc moins de place pour aller écouter des artistes « intramuros », et plus pour aller boire des pots (y compris sur la mezzanine)… En marge des habituelles expos dans des containers (dont l’une est consacrée au Théâtre du Centaure, compagnie équestre qui se substituera au traditionnel Groupe F lors de la soirée d’ouverture), on relèvera entre autres nouveautés une installation sensorielle autour du mal logement (née d’un partenariat concret avec la fondation Abbé Pierre) et la mise en place d’une certaine politique éco-responsable (verres consignés, tri sélectif), preuves que la Fiesta n’oublie pas, malgré son grand âge, les préceptes autour desquels elle a construit sa notoriété : l’échange et le savoir-vivre. Pour ce qui est de la programmation, ensuite, la première chose que l’on a envie de dire est qu’elle tient beaucoup mieux la route que les dernières, qui pêchaient parfois par une « ouverture » un peu hors-sujet (il serait injuste de pointer ici la présence de Bashung, alors que l’on est un peu plus sceptiques sur le choix d’une soirée 100 % techno en clôture, malgré tout l’amour que l’on porte à ce style). Non : si se montrer cohérent dans la diversité n’est pas chose facile, la dix-septième Fiesta des Suds s’en tire avec les honneurs, alignant de solides têtes d’affiche (Herbie Hancock, Omara Portuondo, Calypso Rose…) avec de splendides découvertes (Tumi & The Volume, Ibrahim Maalouf, Nneka…), privilégiant le mélange des genres, dans une même soirée, aux habituelles thématiques (exit les soirées focalisant sur Cuba ou l’Afrique). Le signe fort de l’affaire, c’est que l’affiche de chaque soirée invite à s’y rendre, ce qui n’était pas forcément le cas avant… Vous trouverez ci-dessous, en toute subjectivité, quelques petites choses à savoir sur l’essentiel de cette cuvée 2008. A tous ceux qui en saisiront l’ivresse, nous souhaitons une bonne Fiesta…

PLX

17e Fiesta des Suds. Du 17 au 31 au Dock des Suds (17 rue Urbain V, 2e).
Rens. 04 91 99 00 00 / www.dock-des-suds.org

Les Têtes d’affiche
Herbie Handcock
La formation proposée par le Mozart du jazz se présente à la Fiesta sous les meilleurs augures. A 68 ans, Herbie Hancock montre clairement qu’il sait faire confiance à une génération de sidemen également repérés comme leaders. Terence Blanchard, trompettiste enragé de la Nouvelle-Orléans, auteur de la B.O du Malcolm X de Spike Lee, sacré par Miles Davis et adoubé par Art Blakey, rappellera ses recherches entre hard-bop et hip-hop. L’harmoniciste suisse Grégoire Maret, débiteur de Toots Thielemans et Stevie Wonder, a pour sa part retranscrit les solos du maître note à note. A la guitare, le Béninois Lionel Loueke, expert en harmonies et en jeu percussif, fût adoubé par Herbie en personne à la fin de ses études en jazz. Le pianiste posera enfin ses syncopes rythmiques dans un écrin dont le socle sera formé par Kendrick Scott, chef de file d’une nouvelle génération de batteurs, et James Genus, contrebassiste ayant croisé, entre autres, Thelonious Monk.

Alain Bashung
C’est l’histoire d’un gamin qui grandit dans une ferme en Alsace. C’est l’histoire d’un adolescent qui découvre le rock’n’roll en écoutant les radios allemandes. C’est l’histoire d’un jeune homme qui se lance dans la chanson. C’est l’histoire de Gaby qui est bien plus que belle Mauricette. C’est l’histoire d’un vertige de l’amour et d’une réconciliation sur un oreiller crevé. C’est l’histoire d’une roulette russe autour d’une pizza. C’est l’histoire de freins, de plaies et de blessures. C’est l’histoire d’une figure imposée, où passer le Rio Grande se fait avant l’arrivée du tour. C’est l’histoire d’un pyromane novice qui bombe le torse. C’est l’histoire d’un homme qui rêve de Joséphine. C’est l’histoire d’une petite entreprise qui ne connaît pas la crise. C’est l’histoire d’une fantaisie militaire en forme de saut à l’élastique dans le Vercors. C’est l’histoire d’une imprudence à l’arsenic. C’est l’histoire du pétrole qui n’en finit plus de flamber et de la mort d’un pianiste. C’est l’histoire du fantôme de Bogart et de l’héritier de Johnny Cash. C’est la promesse merveilleuse d’un concert du dernier des géants, en vers et contre toux — « le souffle coupé, la gorge irritée, je m’époumone, sans broncher. » — C’est l’histoire d’un mec. Putain de poumon.

Rokia Traoré
Dix ans et quatre opus après son apparition dans la cour des grandes chanteuses du continent noir, la Malienne continue de dérouler, tant dans ses aspirations que dans son inspiration, un parcours musical idéal qui ne s’accommode ni de la tiédeur ni de la facilité. Empruntant aussi bien au blues, au folk, au jazz ou au classique, l’esthétique sonore de Rokia Traoré — nourrie naturellement aux sources traditionnelles de la musique malienne, luth mandingue en tête — vient de s’enrichir d’une guitare Gretsch aux surprenants accents rockabilly. Qui doperont un concert vraisemblablement électrique…

Calypso Rose
Du carnaval originel aux scènes européennes, le calypso a traversé le siècle en influençant au passage des musiques aussi cruciales que le shuffle ou le ska. Calypso Rose en est sa meilleure ambassadrice, et même si elle n’est plus toute jeune aujourd’hui (soixante-huit ans), elle a gardé suffisamment de talent et d’énergie pour rendre cette musique efficace, à savoir dansante. Calypso, soca, reggae : les Docks épouseront pour un soir les courbes chaloupées des Antilles.

Les Valeurs Sûres
Camille Bazbaz
On oublie parfois de le dire mais, avec Manu Chao et Sergent Garcia, Camille Bazbaz fait partie des rares rescapés de la scène alternative française (son groupe s’appelait Le Cri de la Mouche) à s’être brillamment illustré par la suite dans un registre métis. Ses chansons n’ont pourtant rien à voir avec celles qui pillent aujourd’hui sans vergogne le répertoire des Négresses Vertes : il s’agit plutôt ici d’un swing léger, nourri au meilleur du blues et du reggae, mélancolique ou enjoué. Délicieux.

Moussu T e lei Jovents
Moussu T au Dock des Suds, c’est un peu comme l’Olympique de Marseille au Stade Vel’ : une évidence. On ne sait d’ailleurs plus très bien si on l’a vu à la Fiesta ou à Babel Med (les deux très certainement), son projet incarnant à merveille l’idée d’un folklore régional dont la portée peut être universelle (il marche bien en Angleterre). Entre tradition occitane et musique noire, il respire Marseille à plein nez — sans les clichés, et fait aujourd’hui l’objet d’un troisième album très attendu.

Asian Dub Foundation
Quand il est apparu sur la scène internationale, au mitan des 90’s, le collectif anglo-pakistanais était considéré comme le Clash de sa génération : engagement politique fort, énergie impressionnante dégagée sur scène, sens inné du crossover (une mixture explosive de dub, jungle et musique traditionnelle indienne). Mais pris en otage par sa formule et le poids des années, ADF n’a plus dit grand-chose pendant longtemps. Il revient aujourd’hui avec un disque et deux nouveaux Mc’s : son vrai come-back ?

Ibrahim Maalouf

Les fidèles du Festival de Marseille s’en souviennent encore. Accompagné d’un percussionniste et d’un contrebassiste, le trompettiste libanais avait en juillet dernier enflammé l’arène de la Sucrière, mettant tout le monde d’accord et à genoux, des amoureux du jazz aux amateurs de la musique orientale, en passant par les fans de hip-hop. De retour sur les planches de la Fiesta avec une formation plus rock, Ibrahim Maalouf devrait confirmer, avec son arme secrète — une trompette à quarts de tons lui permettant de jouer des gammes orientales — qu’il est de la trempe d’un Belmondo ou d’un Di Battista.

Les Découvertes
Tumi & The Volume
C’est certainement l’une des soirées les plus attendues de cette édition de la Fiesta 2008. De la fraîcheur instrumentale, un groove imparable, un éclectisme à faire passer nombre de rappers pour de furieux réactionnaires : le hip-hop de Tumi & The Volume s’apparente, pour beaucoup d’amateurs, bien plus qu’à une bonne surprise : c’est une véritable délivrance. Sur disque, ils partagent avec The Roots bien des points communs. Souhaitons qu’il en soit de même sur scène…

Nneka
Evidemment, après Ayo et Asa… à la Fiesta, on pouvait s’attendre à la découverte métisse de circonstance, joli minois au patronyme court, parfait pour imprimer les mémoires. Nneka vaut pourtant mieux que les raccourcis faciles dont elle fait actuellement l’objet (« la petite sœur de Lauryn Hill ») pour se rapprocher davantage d’un Patrice : comme lui, elle est Allemande et métisse (ses racines sont nigérianes), et sa musique se situe à la croisée des chemins, entre hip-hop, soul, folk et reggae. Charmant.

Vanessa Da Mata
Depuis Bebel Gilberto, on attendait secrètement celle qui, au Brésil, pourrait renouer avec un succès international. Cibelle ? On aurait aimé, mais non : Vanessa Da Mata, nouvelle star de la « MPB » (Musique Populaire Brésilienne), aura peut-être cette chance. Un duo avec Ben Harper a propulsé cette ancienne mannequin et joueuse de basket sur le devant de la scène, et son récent troisième album (après dix ans de carrière) a du coup bénéficié des grands moyens. Attention : date unique dans le sud !

Electric Boogaloos
Lorsqu’on aborde l’histoire de la danse hip-hop, on a parfois tendance à circonscrire sa genèse au seul Bronx de la fin des 70’s. Pourtant, depuis 1975, une bande d’adolescents californiens se contorsionne sur le funk le plus torride, faisant naître un style — le « popping » — que bien des danseurs new-yorkais populariseront plus tard. Cette bande, ce sont les Electric Boogaloos, devenus depuis de véritables références en matière de danses urbaines. Leur escale marseillaise sera pour beaucoup une véritable révélation.

Et aussi…
Richie Havens
Immortalisé pour l’éternité dans le film consacré à Woodstock, le guitariste afro-américain poursuit tranquillement sa carrière folk. A voir pour le mythe.

Ceux Qui Marchent Debout
La fanfare funk la plus célèbre de France : FFF ? Perdu : CQMD. Si vous n’arrivez pas à tortiller des fesses pendant leurs concerts, on ne peut rien faire pour vous.

Ba Cissoko
Toujours encadré par l’équipe marseillaise de Nuits Métis, le griot guinéen, virtuose de la kora amplifiée, sort un nouvel album en novembre. A suivre, évidemment.

Omara Portuondo
Révélée au public international par l’entremise du Buena Vista Social Club, la diva se pose un peu comme l’équivalent cubain d’une Cesaria Evora. Grande dame.

Beat Assaillant
On a pu les voir lors de récentes Nuits Zébrées à Marseille : un véritable « groupe » de hip-hop français avec musiciens, façon The Roots. En moins bien, mais l’énergie est là…

Clekclek Boom Party
Un plateau « baile funk », cette excroisance electro/hip-hop issue des favelas, avec entre autres l’un des parrains de la scène carioca : Dj Sandrinho. Chaud, chaud, chaud…

Rimbaud
Parrainé par l’UDCM et récent lauréat d’un prix attribué par Phonopaca (structures locales), un jeune chanteur et compositeur qui s’inscrit dans une veine pop.

Les 15 ans de Dragon Bal
Cette année, la clôture sera techno, avec l’équipe de Dragon Bal qui fête ses quinze ans. On n’est pas sûrs que le public habituel de la Fiesta suive : attention à la déferlante de bpm…

Dossier réalisé par : PLX, HS, nas/im et LD