Productions en flux (dé)tendu

Productions en flux (dé)tendu

Dans le cadre de ses Territoires Electroniques, l’équipe de Biomix accueille cette semaine un « Direct Usines », cette vitrine des ateliers initiés par l’AMI autour de la mode, du hip-hop ou de la MAO. L’occasion de faire le point sur ce dernier volet, dont vous pourrez jeudi soir avoir un aperçu… (lire la suite)

Dans le cadre de ses Territoires Electroniques, l’équipe de Biomix accueille cette semaine un « Direct Usines », cette vitrine des ateliers initiés par l’AMI autour de la mode, du hip-hop ou de la MAO. L’occasion de faire le point sur ce dernier volet, dont vous pourrez jeudi soir avoir un aperçu…

Partons d’un constat évident : la pratique des musiques électroniques au sens large, disons celles qui se jouent sur des machines produisant des sons synthétiques, ne nécessite aucune connaissance musicale. S’il est certain que quelques bases classiques, ou la pratique d’un instrument, peuvent aider à la composition d’un morceau ou à l’apprentissage du dj-ing, ces pratiques demeurent en théorie accessibles à tous ceux qui le désirent. La révolution MAO (musique assistée par ordinateur) et les possibilités grisantes qu’elle offre ont fini de faire pénétrer techno et tutti quanti dans toutes les chambres équipées d’un PC. Obtenir un résultat audible est donc en principe plus une histoire de talent, d’idées… Paradoxalement, ce talent, ces idées, se retrouvent bien souvent muets, sclérosés, dès la lecture du mode d’emploi épais et mystérieux comme un grimoire, du joli logiciel de création conseillé par tous les sites spécialisés. Beaucoup ici se reconnaîtront, se remémorant les minutes suivant l’installation d’un de ces dits outils informatiques, passées à tenter désespérément d’en faire jaillir un son, puis du coup à maudire les noms de Propellerheads ou Steinberg[1]. La qualité de ces modes de création a donc un prix : leur complexité technique et leur difficulté d’accès. Ainsi, mix sur platines, scratch, composition de morceaux electro nécessitent l’apprentissage de quelques bases avant de commencer à se débrouiller tout seul, et bien souvent, une formation d’appoint dès que l’on se rend compte que l’on ne progresse plus. C’est en partant de ce constat que l’A.M.I. (Aide aux Musiques Innovatrices) a décidé de mettre sur pied les Direct Usines. Le concept est simple : un intervenant, bien implanté et reconnu dans le milieu pour lequel il officie, fait profiter de son expérience et de ses connaissances divers stagiaires de tous niveaux (aucun critère d’admission, donc), le plus souvent débutants mais parfois en voie de professionnalisation. Plusieurs facteurs différencient les Direct Usines des habituelles formations ou master-classes. A commencer par leur prix, dérisoire : dix euros à l’année. La périodicité, quant à elle, est bien plus longue : les ateliers se déroulent sur plusieurs mois, à raison de quelques heures par semaine. Mais c’est surtout dans l’approche et la finalité qu’elles se distinguent. La relation que les intervenants (Béatrice Paschen pour la mode urbaine, Dj Rebel pour le dj-ing hip hop, Namor pour l’écriture, Fred Berthet pour la MAO) instaurent avec les apprentis machinistes et autres Mc’s en herbe est aux antipodes du simple binôme élève/professeur. Les « parrains » essaient d’adapter leur formation, très pratique, au projet artistique des jeunes pousses, plutôt que de proposer des méthodes formatées. Leur rôle se limite même parfois à un simple conseil, sur des créations existantes : « De vraies réunions de potes musicos », dixit Fred Berthet, qui permettent ainsi des rencontres entre personnes travaillant en général chacun dans leur coin (le groupe Copyshop s’est d’ailleurs formé à l’occasion d’un Direct Usines, avec le succès que l’on sait). Enfin, le dernier petit plus des Direct Usines, et pas des moindres, est leur aboutissement. A la fin de chaque session, les tous meilleurs « élèves » ont l’opportunité de présenter leur copie lors de soirées, qui rentrent parfois dans le cadre d’événements d’envergure. Voici donc comment 9th Cloud, producteur d’abstract hip hop déjà auteur d’un album, s’est retrouvé à l’affiche de Territoires Electroniques[2] après avoir été deux années de suite chapeauté par Fred Berthet. Et donne à son tour des cours de MAO, bouclant ainsi cette chaîne de production, qui sonne l’heure des temps modernes dans le monde préhistorique de la formation musicale…

Jean-Pascal Dal Colletto

Notes

[1] éditeurs de logiciels phares de la MAO

[2] le 1er à l’IPN en after show des Puppetmastaz, Aix en Provence, 23h