Les Suzzies

Les Suzzies

La face cachée du skate

« On n’est pas très intelligentes, mais on est contentes » disent d’elles-mêmes les Suzzies. Chloé, Lola et Virginia ne prennent rien au sérieux, mais mêlent pourtant depuis deux ans leurs créativités respectives au service d’une une identité forte, un petit monde « gaucho-punk » fait de nuages et de zombies.

 

Si Virginia la vidéaste et Chloé la skateuse se connaissent depuis l’enfance, c’est aux Beaux-Arts que la seconde rencontre Lola la tatoueuse. Cette dernière s’en souvient encore : « Nous avons été présentées parce que nos dessins étaient très similaires. Je la vois encore arriver sur son skate dans le patio de l’école avec une veste de costard et son petit chapeau, elle était trop belle ! Du coup, on s’est montré nos carnets de dessins… la manière dont on traitait les sujets, nos schémas de pensée semblaient être les mêmes. On n’était pas juste dans le même style, il y avait un truc qui collait. » Virginia précise : « Quand elles font un mur, elles ne planifient même pas, elles savent quoi faire à deux, c’est un véritable quatre mains intuitif. »
Finalement lassées du côté faussement intellectuel et du pseudo conceptualisme des Beaux-Arts, Chloé et Lola décident d’arrêter pour monter un collectif. Au même moment, Virginia et Chloé sortent une vidéo de skate, qui marquera les esprits : The Dark Slide of the Moon, saluée par de nombreux magazines spécialisés. « C’était visuellement un peu fou. J’ai filmé la nuit avec des fumigènes. C’était une fille qui skatait, et pour une fois ce n’était pas une vidéo girly ! » Et Chloé d’ajouter : « C’est un peu contre ça que l’on se bat aussi. On peut être des filles, faire du skate et avoir des idées sans que ce soit girly. On évolue dans des milieux assez masculins et il y a toujours des moments où un combat se joue pour la parité. On estime que l’on est des personnes avant d’être un genre. On ne fait pas de différences. Pour une autre vidéo, on nous a même dit que c’était trop trash pour l’image du skate féminin. A quel mec ils vont dire la même chose ? C’est dingue ! »
Influencées par des magazines et des bandes dessinées comme Fluide Glacial ou Ranx, fans de The Art of Skinner, Jim Phillips (Santacruz) ou encore Gustave Krum, les Suzzies développent leur univers graphique comme des petites filles qui se racontent une histoire. Lola : « Nous avons développé des sortes de “patterns”, des personnages phares récurrents, qui ont des noms, une histoire intrinsèque. »
L’histoire iconographique des Suzzies commence chez Cut & Mix, à l’occasion de la venue du collectif 9e Concept pour le lancement de sa première monographie. Une aubaine pour les deux dessinatrices, qui voient là l’occasion de se lancer. Elles réalisent alors une quinzaine de planches de skate. La rencontre avec le collectif d’artistes parisiens entraînera les Suzzies à participer à l’exposition du label Carbone & Spirito. Les projets s’enchaînent et aujourd’hui, les voici qui collaborent avec la créatrice textile Roxane Jean, fondatrice de la marque Zette pour une exposition qu’elles veulent interactive et ludique.
Dans cet espace restreint qu’est la galerie Association d’idées, les Suzzies et Zette vont s’employer à développer un véritable petit monde mettant en scène le vêtement, au-delà du cintre. « On aimerait que ce soit interactif, on va peindre quasiment tout, il y aura des modules de skate, un défilé, de la projection. Il faut que ça ait un impact visuel fort ; les gens doivent pouvoir s’approcher, toucher les choses, explique Lola. On est un peu traumatisées par les ambiances froides des galeries, on veut quelque chose de cool et chaleureux, ouvert à tous, démocratique. On veut crier, rigoler et sauter dans les galeries ! », rajoute Chloé.
Surprenantes et incontrôlables, les Suzzies ne manquent ni de piquant ni d’humour.

Elise Lavigne

 

Les Suzzies & Zette : du 20/11 au 27/12 à la Galerie Associations d’Idées (56 rue Sainte, 1er).
Rens : 06 52 08 69 08 / www.associationdidees.fr

Pour en (sa)voir plus : www.facebook.com/lessuzzies

 


 

Bonus : Zette

Initiée à la couture par sa grand-mère, Zette développe un univers streetwear qui ne manque pas de délicatesse. Une touche de féminité et de belles finitions font de ses pièces de véritables œuvres d’art. « J’aime mixer le neuf et le seconde main, j’adore le vintage, les pièces fun mais élégantes. Aujourd’hui, on modernise en s’inspirant du passé. J’aime la création mais je ne suis pas une technicienne. Je peux passer des heures à penser une pièce, les motifs, les tissus. J’utilise des techniques artisanales : le tressage dans la matière, le tie & die, le patchwork, les origamis. J’aime réaliser des pliages avec le tissu ; la sérigraphie, c’est bien, mais on peut rapidement s’ennuyer… C’est important qu’il se passe quelque chose dans la matière : avec un origami, il y a du volume… Avec les Suzzies, l’idée de la collaboration collait bien, j’adore leur univers. On n’a pas besoin de parler pour s’entendre, c’est fluide. Je suis assez exigeante, presque trop sérieuse. Les Suzzies ne prennent rien au sérieux et du coup, ça passe ou ça casse. Avec moi, ça a créé un équilibre, on se complète bien. Je veux que ce soit ludique, ce n’est pas un shop, il faut faire vivre le vêtement. »

EL

Rens. : www.facebook.com/zette.roxane.jean