Les réseaux de la colère

Les réseaux de la colère

Personne n’imagine plus nier la puissance de la fabrique du consentement par les plateformes de réseaux sociaux. L’élection de Donald Trump aux États-Unis ou le referendum pro-Brexit ont bénéficié en grande partie de l’analyse des réflexes des électeurs sur Facebook. Chaque « like » permet ainsi d’en savoir un peu plus sur notre penchant électoral. La société Cambridge Analytica a aspiré ainsi les données du réseau social, passées au filtre de son algorithme ciblant les attentes des électeurs afin d’influencer directement leur vote. Si cette société a disparu en même temps que le scandale, son procédé est évidemment toujours effectif. Et pèse sur tous les processus électoraux. Le Monde nous apprend grâce à une fuite d’un ancien employé que Facebook elle-même (lui-même ? quel est le genre d’une personne morale, je vous le demande ?) ne maîtrise plus son propre algorithme. Des échanges internes montrent que les responsables s’alarment que les modifications aux priorités d’affichage ajoutées pour lutter contre la désinformation ou les contenus violents, en tout cas indésirables selon ses propres critères, provoquent d’innombrables défauts dans la mise en valeur d’information. Et obtient l’effet inverse de voir favoriser des publications souvent mensongères et répétées à l’infini, miroirs déformants dans l’ère de la post-vérité. Le monstre serait désormais hors de contrôle, laissant entrevoir Sarah Connor nous cligner de l’œil. Des algorithmes régissent les ordres de priorité de véhicules sans pilote qui devront éviter un accident mortel selon des probabilités : le pilote, le passager ou le piéton ? Des robots-tueurs ont déjà exécuté un être humain sans ordre direct d’un militaire. La masse des données manipulées et la complexité des systèmes nourrissent en leur sein l’infime erreur d’un artifice dit intelligent. Une légère mutation humaine provoquant des séismes électroniques. L’élection à venir en France ne fera pas exception. Les « like », « share » et autres actions virtuelles sur nos téléphones ne sont pas anodines. Elles ont des conséquences réelles sur la fabrique de l’information par les professionnels et sur la confiance que nous leur accordons pour façonner des choix éclairés. On attend le législateur se faisant modérateur. À défaut, enfermé dans des préférences, le réflexe « j’ai vu de la lumière, je suis entré » est un choix de moustique coincé dans une Freebox.

 

Victor Léo