Les Misérables

Les Misérables

« Misère, misère ! C’est toujours sur les pauvres gens, que tu t’acharnes obstinément », chantait le regretté Coluche à la fin des années 70. Quarante ans plus tard, cette rengaine tout aussi parodique qu’engagée est hélas encore — et peut-être plus que jamais — d’actualité. À l’heure où nous écrivons ces lignes, les Restos du Cœur entament d’ailleurs leur 35e campagne hivernale en faveur des plus démunis. Dire qu’à leur création, le comique à salopette (que beaucoup de bénéficiaires n’ont même pas connu vivant, puisque 39 % d’entre eux sont mineurs) les présentait comme une « petite idée » qui n’était pas censée durer…

Les faits sont pourtant là, étayés par des chiffres consternants : selon l’Insee, en 2016, 14 % des Français vivaient sous le seuil de pauvreté (soit 8,8 millions) ; et on estime à 200 000 (dont 700 enfants) le nombre de personnes sans abri, parmi lesquelles près de 600 sont décédées l’an passé. Nous rappelant avec beaucoup d’amertume l’engagement du président de la République en juillet 2017 : « Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues… » Misère !

Et l’on ne meurt pas de pauvreté que dans la rue. À la fin du mois d’octobre, les corps de deux femmes, une nonagénaire et sa fille d’une cinquantaine d’années, ont ainsi été découverts dans un appartement nîmois. L’autopsie a conclu à une mort naturelle pour les deux femmes, qui vivaient dans un grand dénuement. La nouvelle n’a pas fait grand bruit, ajoutant de l’indifférence à l’inhumanité de cette situation. Misère !

Si elle a suscité une plus grande couverture médiatique, et avec elle, un émoi plus important, l’immolation par le feu d’un jeune homme à Lyon pour dénoncer l’extrême précarité de nombreux étudiants, a eu quant à elle pour seule réponse de la part du gouvernement l’annonce de la création d’un numéro vert pour les situations d’urgence et l’instauration de la trêve hivernale dans les logements du CROUS. Misère !

Car ce triste inventaire soulève beaucoup de questions, dont la principale demeure : que font les pouvoirs publics ? Des pouvoirs publics tellement démissionnaires (depuis plus de trente ans, donc) que des associations luttent à sa place contre la pauvreté, aidés en cela par une population encore très généreuse (qui, au passage, paie aussi ses impôts pour cela).

Des gouvernants tellement hors sol qu’ils ne laissent aucun autre espoir que la survie à une bonne partie de la jeunesse. Une macronie si thatchérienne qu’elle abandonne les services publics et préfère lutter contre les chômeurs que contre le chômage.

« Misère, Misère ! Peut-être qu’un jour ton président, sentant monter notre colère… Devant les peuples sans frontières, alors il s’en mordra les dents. » Rendez-vous le 5 décembre ?

 

Cynthia Cucchi