La présidente de la métropole doit faire face aux réticences et desiderata de 92 communes. (Photo JV)

Les maires se lancent à reculons dans la réforme de la métropole voulue par Macron

Martine Vassal réunissait ce mardi le conseil des maires. Sur la table : la réforme de la métropole souhaitée par le président de la République. Pour obtenir le financement de ses projets de transports, la collectivité doit notamment réduire les versements aux communes. Un point difficile à faire passer.

 

L’enjeu

Le président de la République a donné six semaines à la métropole pour revoir son mode de gouvernance. Une condition préalable pour recevoir les aides financières visant à développer les transports.

 

Le contexte

Depuis sa création, la collectivité souffre des nombreux échelons créés pour satisfaire les différentes communes. Pour réformer, Martine Vassal risque d’affronter la colère des maires hors-Marseille.

 

Tic-tac. Le compte à rebours présidentiel est lancé. Lors de son allocution du Pharo, Emmanuel Macron a donné six semaines aux élus de la métropole pour réformer une métropole paralysée par des “problèmes d’organisation et de gouvernance”. Ce mardi, pour la première fois depuis longtemps, la présidente de l’institution, Martine Vassal réunissait le conseil des 92 maires pour poser les bases de cette réforme qui est, sur le papier, souhaitée par tous.

 

La feuille de route tient en trois points : redéfinir les compétences de chaque échelon en redonnant la proximité aux communes, supprimer l’échelon des conseils de territoires, vestige des six anciennes intercommunalités et réduire les mécanismes de reversement financier de la métropole vers les communes. Cela afin de dégager des marges de manœuvre pour les grandes compétences stratégiques à l’origine de la création de la métropole. Martine Vassal adhère à cette feuille de route qui correspond, dit-elle “à une métropole de projets”.

 

Le brouillon présenté par le gouvernement au Sénat

En la matière, le discours du Pharo n’est pas tout à fait un ballon sonde. Déjà, le 20 juillet dernier, la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault présentait devant le Sénat un amendement à la loi dite 3DS qui reprend les mêmes principes. Sur la révision drastique des sommes reversées aux communes, la chambre régionale des comptes serait appelée en juge de paix des finances locales. L’amendement a été rejeté par le Sénat mais, à entendre le président, c’est à partir de cette version que l’Élysée entend voir les choses bouger.

 

Si la feuille de route est claire, les élus locaux s’y engagent à reculons. À entendre les maires ce mardi au sortir de cette “réunion constructive”, la voie est grande ouverte sur les deux premiers points et s’amenuise grandement quand on évoque la question financière. “Il ne faut pas que cela soit un marché de dupes”, prévient Gaby Charroux, le maire PCF de Martigues qui rappelle les promesses non tenues des gouvernements Ayrault et Valls.

 

Voirie, propreté, éclairage… Le retour de la proximité

Tous sont d’accord pour voir revenir dans leur giron lesdites compétences de proximité. “Tous les jours, on m’appelle pour un problème de trou dans la chaussée. C’est compliqué d’expliquer que le maire n’a pas cette compétence. Oui, je suis pour le retour à l’échelon communal de la voirie, de l’éclairage public et de la propreté”, affirme ainsi le maire de Marseille Benoît Payan en s’engouffrant dans sa voiture.

 

Même son de cloche du côté de Nicolas Isnard, le maire et président du conseil de territoire de Salon. Il ajoute à la liste des transferts souhaitables la gestion des parkings communaux, les aires d’accueil des gens du voyage et les offices du tourisme. En revanche, la disparition de l’échelon intermédiaire des territoires lui paraît prématurée. “Il y a des petites communes qui n’auront pas les moyens d’assumer le retour de ces compétences, il faut donc des pôles qui fonctionnent au niveau des bassins de vie, explique le maire LR. Nous travaillons très bien avec des communes comme Cornillon-Confoux qui sont avec Ouest Provence ou Lambesc qui appartient au Pays d’Aix”.

 

Le maire de Martigues partage la même analyse. “Si je reprends la voirie, j’ai les moyens logistiques, humains et financiers de refaire les routes. Mais à Port-de-Bouc, ça n’est pas le cas. Comment fait-on ? Je refais le quartier Saint-Jean à Martigues et je m’arrête quand on atteint Port-de-Bouc ? Ça n’est pas raisonnable. Il faut un échelon territorial qu’on appellera comme on veut…” L’intercommunalité oui, mais en pas trop grand.

 

Touchez pas au grisbi

En revanche, pour lui comme pour tous les autres, il n’est pas question toucher aux fameuses attributions de compensation qui viennent directement abonder le budget de fonctionnement de la commune. Pour le maire d’Éguilles, Robert Dagorne, farouche opposant à la métropole, pas question de toucher à ce reversement historique : “Avant la création des intercommunalités, les communes ont versé l’équivalent de la taxe professionnelle. Comme cela correspondait à de la richesse créée sur leur territoire, une partie était donc reversée à la commune en compensation. Pour Éguilles, c’est 1,5 million et il n’est pas question que l’on y touche.”

 

Pour le maire d’Allauch, Lionel de Cala, c’est “seulement” 600 000 euros mais “c’est essentiel au budget de fonctionnement pour lequel, nous n’avons pas beaucoup de marges de manœuvre”. “20 millions pour Salon, un tiers du budget réel de fonctionnement, on n’y touche pas”, prévient aussi Nicolas Isnard. À bien les écouter, personne ne veut dégager le moindre euro pour financer les investissements stratégiques, que tous appellent en même temps de leurs vœux.

 

Il y a pourtant des dispositifs baroques : ainsi la mairie de Martigues a créé une taxe d’enlèvement des ordures ménagères juste avant la création de la métropole en 2015. Jusque-là, les Martégaux ne payaient rien pour ce service. Avec l’avènement de la métropole, c’est bien cette dernière qui ramasse les poubelles mais le montant de la taxe est reversé à Martigues. Et quand Gaby Charroux se défend en disant “qu’elle correspond à une charge”, on se demande de quelle charge il veut bien parler puisque la métropole ramasse et reverse la taxe.

 

Les Aixois, farouchement contre

À Aix, ce sont les subventions aux communes qui ont été gelées à leur niveau précédent. Au total, les montants reversés ont “augmenté de 220 millions d’euros [par an] entre 2012 et 2016, alors que près de 80 % de cette augmentation ne correspond à aucun transfert de charge”, cinglait récemment la chambre régionale des comptes. De quoi combler le manque d’investissements dans les transports.

 

L’opposition la plus farouche vient justement du pays d’Aix dont la maire historique, Maryse Joissains, jouait volontiers les passionarias anti-métropole. Sa fille et candidate à sa succession, Sophie Joissains ne voit pas “comment une réforme institutionnelle d’une telle ampleur peut s’envisager dans un temps aussi court”. Pas question non plus de revoir les différents modes d’attributions de compensation : “C’est le fruit de l’histoire. Personne n’acceptera d’y toucher. La seule solution pour dégager des marges de manœuvre est d’augmenter les impôts. Aix ne l’a pas fait depuis les années 1990. Je ne suis pas sûre que la présidente souhaite s’y résoudre.

 

Martine Vassal n’en est pas là. Elle a en tête le milliard d’euros promis par Emmanuel Macron pour les transports. “Ils sont d’autant plus bienvenus qu’on ne les a pas, sourit-elle. Si on les veut, il nous faut dégager des marges de manœuvres pour financer les investissements. Nous ferons des propositions”. Les maires ont promis de se revoir dès la semaine prochaine pour trouver une base commune de discussion. Même si certains y voient l’occasion de mettre définitivement fin au projet métropolitain.

 

Benoît Gilles