Attitudes Habillées © Mirabel White

Les Hivernales

Altérité comme hiver

 

À Avignon, les Hivernales célèbrent leur quarante-cinquième édition avec une vingtaine de propositions spectaculaires et une douzaine de stages, proposant un large panorama de la danse contemporaine, à contempler autant qu’à éprouver.

 

 

« Se retrouver autour de la créativité des artistes chorégraphiques et se rassembler pour partager la vitalité de la danse, la célébrer, la vivre comme espace de rencontre à travers la pratique et l’expérience de spectateur·rice. » Les mots d’Isabelle Martin-Bridot, la directrice des Hivernales dans son édito, n’ont rien de vain. Les paris d’ouverture, de diversité et de fabrique du commun s’incarnent bel et bien dans le festival porté par le Centre de développement chorégraphique national vauclusien. D’abord et principalement par la large part faite à la pratique (masterclasses, stages…) : en proposant aux spectateurs d’un soir d’être les danseurs de quelques jours, il fait du partage la clé de voûte de son édifice. Ensuite par son programme jeunesse, les Hiverômomes, qui, en préambule de la manifestation, permet d’initier les plus petits à la danse, à l’émerveillement, à la beauté. Et évidemment par sa programmation, qui mêle subtilement têtes d’affiche (la Compagnie XY avec l’incontournable Möbius, Jan Martens, Michel Kelemenis avec sa nouvelle création, Magnifiques…) et jeunes artistes, afin d’offrir un large panorama de la création chorégraphique contemporaine.

Artiste associée l’an passé, l’égérie du krump Nach ouvrira le bal avec sa première pièce de groupe, Elles disent, une création au féminin pluriel qui libère la parole des femmes, qu’elle soit dansée ou verbale. Redonner une voix aux femmes, c’est tout le sujet de la pièce Counting stars with you de Maud Le Pladec, qui interroge la place accordée aux compositrices dans l’histoire de la musique. Dans un même mouvement de combat contre les assignations en tout genre, Leïla Ka proposera deux soli, Se faire la belle et Pode Ser. Avec Attitudes habillées, le Quatuor, troisième pièce d’un cycle dédié au vêtement, la chorégraphe Balkis Moutashar questionne pour sa part la mémoire des corps contemporains : « Des générations de corsets et de “faux-culs” en métal ont-elles laissé des traces dans les corps d’aujourd’hui ? »

En ces temps troublés, le corps apparaît de plus en plus comme un objet, si ce n’est un sujet, politique : dans la relation de l’humain au vivant (Nice Trip de Mathieu Desseigne-Ravel et Michel Schweizer, Habiter le seuil de Marine Chesnais), dans notre façon d’appréhender la violence qui nous entoure (Blast! de Ruth Childs) ou d’affronter notre finitude et « retrouver notre capacité à rêver » (Empire of a Faun Imaginary de Simone Mousset). Autant de problématiques évoquées dans le parcours sonore et visuel imaginé par le nouvel artiste associé aux Hivernales, Massimo Fusco, et sa compagnie Corps Magnétiques, dont les œuvres exposées au Grenier à Sel « nous invitent à reconsidérer notre rapport au monde. »

C’est donc un festival sous le signe de l’ouverture et de l’altérité qui s’annonce, et le plaisir sera, n’en pas douter, une fois encore partagé.

 

Cynthia Cucchi

 

Les Hivernales : jusqu’au 18/02 à Avignon.

Rens. : www.hivernales-avignon.com

Le programme complet du festival Les Hivernales ici