Les disques de l'année 2009

Les disques de l'année 2009

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• Matias Aguayo – Ay ay ay (Kompakt)
L’ovni de l’année. Le pitch : un Chilien égaré entre Cologne, Paris et Buenos Aires se recentre sur ses racines, après avoir débuté au sein de la scène électronique allemande. Et pond cet album ahurissant, quasi-exclusivement composé avec… sa bouche. Ce n’est donc plus de « l’électro minimale » dans la forme mais dans le fond : un disque tribal, organique, profondément sud-américain, qui n’en finit plus de dévoiler son charme sous ses dehors dépouillés.

• Malakai – Ugly side of love (Invada)
La surprise de l’année. Et le pire, c’est que tout le monde est passé à côté. Pourquoi ? On peut avancer cela : pochette hideuse, nom improbable, distribution limitée, label inconnu (en fait, celui de Geoff Barrow, metteur en son de… Portishead). Et donc ? Imaginez un groupe de garage-rock jamaïcain 60’s revisité façon hip-hop. Ou encore : Beck enregistrant dans les 90’s un hommage lo-fi à la Motown, avec Finley Quaye au chant. On ne sait pas, on ne sait plus, on est perdu. Cool.

• Grizzly Bear – Veckatimest (Warp)
L’année avait commencé en fanfare avec le dernier Animal Collective. Qui, à la réécoute, pèche sur la longueur, et s’est vu éclipser quelques mois plus tard par le troisième Grizzly Bear, autre étoile de l’underground pop américain. Avec Veckatimest, le quatuor de Brooklyn franchit un palier : sa musique folk aux accents numériques laisse la place à des compositions plus amples, organiques et chatoyantes, aux allures de classiques 60’s ou 70’s — mais très modernes. Un must.

• Fredo Viola – The Turn (Because)
Mariage heureux des dernières technologies numériques avec le plus ancien des instruments (la voix), The Turn s’impose dès les premières mesures comme un pur chef-d’œuvre de pop symphonique et aérienne. Une sorte de Ok Computer des années 00, qui hisse la musique populaire au rang des musiques lyriques et baroques. Un grand disque aux ressources inépuisables, porté à bout de voix par un auteur qui semble s’être ici défait de toute pesanteur terrestre.

• Atlas Sound – Logos (4AD)
Il est de ces disques en apesanteur, qui viennent chaque année s’immiscer dans notre quotidien. Bradford Cox est le leader de Deerhunter, formation indie-rock américaine réputée. Atteint d’une maladie génétique rare, le garçon s’apprête à crever. Il donne tout dans le deuxième album de son projet solo, Atlas Sound : une pop évanescente, irradiée de lumière, traversée de nuages acoustiques et d’éclairs krautrock. Avec lui, nous prenons le chemin des cieux.

• Anthony Joseph & Spasm Band — Bird head son (Heavenly Sweetness)
Enregistré en France et sorti en toute fin d’année dernière, l’album de ce jeune poète anglais replace la voix et les paroles au cœur d’une « black music » trop souvent asservie à la simple dictature du rythme. Avec pour références Leon Thomas, les Last Poets ou Gil Scott-Heron, le spoken word d’Anthony Joseph marie élégamment politique et poésie sur fond de jazz cosmique ou de polyrythmies africaines. Un disque parfait, sans concessions et sans temps morts.

• Golden Silvers – True romance (XL Recordings)
La musique est cet art qui transcende tous les autres, car il est populaire. La pop est cette musique qui transcende toutes les autres, car elle est populaire. Quand vient l’heure des bilans, il s’agit donc de ne pas trop se planter sur l’album pop de l’année. On aurait pu choisir le premier essai de Are We Brothers ?, quatre Danois qui alignent les tubes. Ce sera finalement celui de Golden Silvers, trois Anglais qui nous rappellent que Blur nous manque. Cruellement.

• The Juan MacLean – The future will come (DFA)
En 2009, le label le plus excitant des années 00 n’a pas baissé la garde. Il y a eu Yacht et surtout The Juan MacLean, le projet d’un vieux pote de James Murphy (taulier de la maison) à qui il a volé la vedette, sa chanteuse et tout un tas d’idées. Soit la rencontre de Kraftwerk et Tom Tom Club, Giorgio Moroder et Brian Eno, Larry Heard et Kylie Minogue (ben oui). En fait, c’est de plus en plus proche de LCD Soundsystem, dont on attend le nouvel album en 2010, tout ça pour dire ça.

• Dirty Projectors – Bitte Orca (Domino)
L’un de leurs précédents disques avait servi de support à une thèse sur l’incapacité de la musicologie à restituer la musique pop (qu’il faudrait plutôt décrire comme un tableau). Mais ce nouvel album rend déjà ce critère caduque. Comment une alchimie aussi complexe peut-elle se faire entre les voix, les arpèges de guitares, les nappes synthétiques et acoustiques, rendant n’importe quel micro incapable de tout saisir ? L’explication est simple : cet album vous crache ses tripes au visage.

• Mathias Kaden – Studio 10 (Vakant)
La house n’en finit plus de revenir, mais bien sûr, elle n’est jamais partie. Les journalistes spécialisés disent souvent des âneries. En voici une : la musique électronique n’avance plus. Avec son label Vakant, le jeune Mathias Kaden a pourtant largement prouvé qu’il se passait (encore) des trucs à Berlin. Et ce premier album réchauffe la planète house. Des compiles « deep » de qualité, il y en a eu en 2009 (sur Innervisions, Renaissance, 8bit…). Pas des albums. Sauf celui-là.