Les chaises musicales

Les chaises musicales

Comme vous pourrez le constater en feuilletant ces pages, la rentrée culturelle 2019 s’avère particulièrement foisonnante, charriant son lot de festivals (Actoral, Jours et Nuits de Cirque(s), FIDEP, Caressez le Potager, Kino Visions…) et de temps forts (les Journées européennes du Patrimoine, le salon Rebel Rebel, les Ouvertures d’Ateliers d’Artistes…), à tel point qu’on déplore plus que jamais de ne pas posséder le don d’ubiquité. On peut d’ailleurs s’interroger sur cette curieuse temporalité du milieu culturel, répartie entre périodes d’abondance, voire de surabondance (en gros, à la rentrée, au printemps et au début de l’été), et temps creux, pour ne pas dire morts. Mais c’est là un sujet que nous aurons tout loisir d’évoquer plus tard, cet hiver par exemple…

Car la rentrée apporte toujours avec elle son contingent de changements structurels, et la cuvée 2019 n’échappe pas à la règle, bien au contraire, venant confirmer l’accélération de la recomposition du monde culturel local depuis quelques années. Ce mois de septembre aura ainsi été marqué par une nouvelle « fusion », le Merlan et la Gare Franche ayant donné naissance à une Scène nationale à deux têtes, le ZEF. Et si l’on peut d’ores et déjà considérer cette union, fruit de longs mois de travail en commun, comme une réussite, aboutissant à un enrichissement mutuel et profitable à tous, elle fait quelque peu figure d’arbre qui cache la forêt. Car ces fusions, si elles sont parfois porteuses de belles promesses, relèvent souvent d’un impératif économique. Pour ne pas dire d’une injonction institutionnelle… On comprend bien tout l’intérêt que peuvent retirer les tutelles politiques à ne plus subventionner qu’une seule structure au lieu de deux. Ce qui n’est évidemment pas sans conséquence : en s’accouplant, le GRIM et le GMEM ont ainsi dû renoncer — et nous avec — au festival Nuit d’Hiver. Et la fusion récemment annoncée entre l’Officina et Parallèle débouchera à terme elle aussi sur la disparition d’une manifestation d’envergure, le festival Dansem, reflet de la danse contemporaine en Méditerranée depuis plus de vingt ans.

Les structures ayant fait le choix, forcé ou pas, de s’unir pour affronter la crise financière qui s’abat sur le monde culturel ne sont évidemment pas les seules à être impactées par la diminution des subsides publics. Les représentants des institutions locales ont beau répéter à longueurs de conférences de presse que les budgets sont stables voire à la hausse, les alertes sur la situation précaire de certains acteurs culturels ne cessent de se multiplier. Cas d’école, le Théâtre Toursky, dont le directeur, Richard Martin, a dû menacer d’une nouvelle grève de la faim (devant l’Hôtel de Ville) pour que la municipalité rétablisse in extremis les 85 000 euros qui avaient été brutalement amputés de la subvention de fonctionnementces deux dernières années. À près de six mois des élections municipales, on est en droit de penser que les élus tentent de sauver les apparences, du moins avec ceux qui font le plus de bruit. Qu’en sera-t-il la saison prochaine ?

 

Cynthia Cucchi