© Lou Grenier

Chronique | Le Théâtre et la Peste d’Antonin Artaud

Complètement Artaud

 

300 ans après s’être propagée dans la cité phocéenne, le fantôme de la Peste fête sa disparition au milieu d’une épidémie mondiale d’un nouveau nom. Les éditions Parenthèses ont la bonne idée de (re)publier Le Théâtre et la Peste d’Antonin Artaud. Un texte enflammé on ne peut plus vivifiant, à mettre en perspective de notre actualité.

 

Lecteurs hypocondriaques, passez votre route, il ne s’agit pas d’un manuel sur la maladie. Artaud, éternel souffrant, ne vous donnera pas les clés de l’apaisement. Il nous pousse à ressentir au-delà de la peur du microbe.

Passionnés des guides de mise en scène, prenez la déviation, ce n’est pas non plus un prétexte à la théorisation d’une vision théâtrale fondée sur la maladie.

Au-delà de la scène, le théâtre s’empare de celui qui le vit. Artaud l’exalté nous incite à muer d’objet à sujet de notre existence.

La peste est LA maladie qui jusqu’ici symbolise la tragédie d’une pandémie dans notre histoire collective. Du fait de son taux de mortalité, d’une part, et de l’autre au travers du chaos social dont elle fut l’initiatrice.

Antonin Artaud interroge la puissance de ses conséquences sur nous autres, êtres humains :

« Le théâtre, comme la peste, est à l’image de ce carnage, de cette essentielle séparation. Il dénoue des conflits, il dégage des forces, il déclenche des possibilités, et si ces possibilités et ces forces sont noires, c’est la faute non pas de la peste ou du théâtre, mais de la vie. »

Le huis clos que nous subissons actuellement est bordé d’un horizon médical. Apprendre à trier entre ce qui en nous est injustement refusé par la société et ce qui se doit de l’être, voilà une des clés proposées par le poète.

Célébrer une qualité de vie, une sensation de liberté ou une foi en un avenir radieux est actuellement impossible. Fêter la possibilité de s’insurger au cœur d’une « nouvelle peste » en relisant Artaud est un espace de devenir à s’offrir — dans vos librairies indépendantes, il va sans dire.

 

Simone d’Abreuvoir

 

Rens. : https://www.editionsparentheses.com/spip.php?page=article_apparaitre&id_article=783