Tétrodons © Architecture d'aujourd'hui

Le Tétrodon, un habitat modulaire

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Le territoire de Fos-Sur-Mer est plus connu pour ses usines que pour son tétrodon. Cet habitat modulaire, témoin architectural, géographique et industriel, mérite pourtant un petit cours d’histoire. D’autant que des forces vives œuvrent ardemment à son avenir…

 

Espèce de poisson toxique ayant la faculté de se gonfler en se remplissant d’eau ou d’air lorsqu’il se sent en insécurité, le tétrodon est également un procédé de construction modulaire créé dans les années 60 à l’initiative de Jacques Berce, Enrique Ciriani et Borja Huidebro du cabinet Atelier d’Urbanisme et d’Architecture (A.U.A.), associés à la designer d’intérieur Annie Tribel. Cet objet avant-gardiste est le témoignage du passage militant d’une architecture purement patrimoniale à une vision plus ludique de la fonctionnalité. Partant d’une base de conteneur de fret maritime, il y ajoute, à l’extérieur, des coques en polyester dont l’espace intérieur est réservé à des usages domestiques courants : chambre, cuisine, sanitaires. Il peut ainsi loger trois à six personnes. Initialement peu évident, le lien entre l’animal et l’objet architectural et fonctionnel devient manifeste. Les coques gonflent l’habitat et le tétrodon vit grâce à ce qu’il absorbe et digère, des aliments pour le poisson ou des humains pour le mobil-home. Avec la crise pétrolière de 1973 et la hausse du prix des matières premières, la construction des tétrodons s’arrête brutalement. Certains sont alors utilisés dans des Villages Vacances Famille et d’autres pour héberger des travailleurs sur des chantiers. La Sonacotra commandera ainsi vingt-cinq tétrodons en 1972 pour héberger les travailleurs immigrés œuvrant à la construction de la zone industrielle et portuaire de Fos-sur-Mer. Aujourd’hui, seul un tétrodon a réchappé aux destructions successives, l’abandon n’étant pas une cause de dépérissement étant donné la longévité des matériaux utilisés.
A la faveur de déplacements entre Arles et Marseille, l’architecte Thierry Durousseau le remarque par hasard en 2011 et motive le photographe Philippe Piron pour réaliser une série sur cet objet insolite et chargé d’histoire(s). Pour l’association Par ce passage infranchi, alors en pleine réflexion à l’approche de la Capitale européenne de la Culture, c’est une évidence. Comme l’explique Christophe Galatry, directeur artistique du projet de réhabilitation de cet exemplaire unique en région PACA, « l’aventure humaine et architecturale de cet objet est le véhicule de la mémoire d’un territoire et des hommes qui ont travaillé à Fos-sur-Mer et habité dans le tétrodon. » Lui redonner un avenir pour mieux raconter son passé est naturellement devenu le projet phare de l’association, qui cherche à « interroger les rapports entre nature, habitat et industrie sur les territoires situés entre Martigues et Port-Saint-Louis, par le biais de promenades, conférences, et résidences d’artistes. » Sachant que l’entreprise possédant le tétrodon voulait s’en débarrasser, l’association l’acquiert en 2011 et parvient à l’installer sur un premier terrain privé puis, en 2014, sur un espace mis à disposition par la Commune de Fos-sur-Mer à la Courbedonne. Fidèle à ses formes de vaisseau spatial, qui traduisent l’utopie de ses concepteurs, le tétrodon aura ainsi plusieurs fois décollé et aluni.
Avec le label « édifice patrimoine du XXe siècle » obtenu auprès de la DRAC PACA (Direction régionale des affaires culturelles de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur), et quelques conférences et balades déjà organisées, le projet de l’association avance. L’avenir semble bien tracé, de la poursuite des conférences et balades à la réhabilitation, l’usage en gîte en liaison avec le GR13, et, pourquoi pas, à des interventions d’artistes.

Guillaume Arias

 

Rens. : www.passage-infranchi.org/Sauf…territoires

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