Les cinq étrangers d'Yves Tanguy

Le Surréalisme dans l’art américain au Centre de la Vieille Charité

American dreams

 

Quel lycéen n’a jamais sué à grosses gouttes en planchant sur un texte bien tordu de Breton ou d’Aragon ? Si la littérature des surréalistes est souvent un mauvais souvenir d’école, il en va autrement de leur art visuel. Colorées, oniriques et parfois délirantes, ces œuvres, et celles qu’elles ont inspirées, prennent leurs quartiers d’été à la Vieille Charité dans une exposition originale qui se propose de mettre en lumière l’héritage surréaliste dans l’art américain.

 

 

La communication qui entoure l’exposition ne lésine pas sur les accroches alléchantes : label « Exposition d’intérêt national » attribué par le ministère de la Culture, partenariat transatlantique avec le réseau FRAME (1), commissariat de Xavier Rey, Directeur des Musées de Marseille, et Éric Chassey, Directeur de l’Institut national d’Histoire de l’art de Paris… Sans oublier les têtes d’affiche : Dali, Pollock, Rothko, Bourgeois… et plus de 180 œuvres présentées ! On se dit que Marseille a de la chance d’accueillir un événement avec de telles ambitions.

De la chance ? Pas tout à fait… Le premier intérêt de l’exposition est de rappeler que la cité phocéenne a été une terre d’asile et de transit pour le groupe surréaliste fuyant le régime vichyste et l’occupation nazie : André Breton, Max Ernst, Jacqueline Lamba ou encore André Masson occuperont la villa Air-Bel louée par Varian Fry et le Centre de secours américain. C’est là que les artistes créeront leur fameux jeu de tarot, et tueront le temps à coups de cadavres exquis dessinés, avant d’embarquer pour New York.

Ce sont donc ces œuvres de l’exil qui ouvrent le parcours et, lorsque le visiteur se retourne, il est happé par la longue enfilade de la première salle, où l’on passe d’une œuvre à l’autre dans un brouhaha foisonnant de couleurs et de formes. Peintures et sculptures défilent avec leur cortège de noms méconnus des flâneurs et autres néophytes : Joseph Cornell, Helen Lundeberg, Robert Motherwell, Helen Frankenthaler…

L’ensemble du parcours est divisé en sept périodes réparties sur les quatre salles du rez-de-chaussée. Chaque période est introduite par un rappel historique détaillé, et les œuvres sont, pour la plupart, accompagnées d’un cartel proposant un début d’interprétation. Malgré ce bel effort sur le scénario d’exposition, on finit par perdre le nord… Certes, on croise ici un Dali, là un Miró, plus loin quelques Pollock, une toute petite paire de genoux signée Magritte vers la fin… Autant de bouées de secours lancées au visiteur qui reconnaît, enfin, quelques pinceaux familiers au milieu de ce capharnaüm de plus en plus étrange. Il est temps de sortir et de s’asseoir à l’ombre de la chapelle pour cogiter…

Le Surréalisme dans l’art américain serait-elle de ces expositions qui s’adressent davantage à l’esprit qu’aux yeux et aux « tripes » ? Peut-être… C’est en tout cas cet excès d’intellectualisme que l’on a souvent reproché aux Surréalistes et à l’art contemporain en général.

Toutefois, l’intention de départ est claire : montrer comment certaines techniques, certaines thématiques, certaines manières d’envisager l’œuvre d’art, qui ont été celles des Surréalistes, ont donné une impulsion nouvelle à l’art états-unien de l’après-guerre jusque dans les années 70.

Même si pour cela, on nous invite à voir un héritage dans l’œuvre d’artistes qui s’en sont explicitement défendus… On se souviendra alors que, durant la visite, on s’est souvent exclamé « Oh ! Ça ressemble à Hopper ! », « Tiens ! On dirait du Klimt ! », « Ces couleurs, ça me fait penser à Chagall ! ». C’est peut-être là tout l’intérêt de cette exposition : rendre sensible un jeu d’échos qui transcende les œuvres, les courants, les époques, et dans lequel réside le plaisir de l’amateur trop longtemps privé de musée !

 

Antoine Nicoud-Morabito

 

 

Le Surréalisme dans l’art américain : jusqu’au 26/09 au Centre de la Vieille Charité (2 rue de la Charité, 2e).

Rens. : https://musees.marseille.fr/

 

 

 

 

 

Notes
  1. FRench American Museum Exchange[]