Le premier venu - (France – 2h03) de Jacques Doillon avec Gérald Thomassin, Clémentine Beaugrand, Guillaume Saurrel…

Le premier venu – (France – 2h03) de Jacques Doillon avec Gérald Thomassin, Clémentine Beaugrand, Guillaume Saurrel…

A la recherche du temps perdu

Cine-Le-premier-venu.jpgDès le générique, on sent que Doillon a envie d’aller à l’essentiel ; les informations défilent, rapidement, le titre s’inscrit, et un carton annonce « Premier jour ». Le récit peut commencer. Sa mise en place est elle aussi immédiate, presque frontale. Devant une gare de province, une jolie jeune fille court après un jeune homme qui a tout du mauvais garçon : l’accent, les gestes et le survêtement de rigueur d’une racaille de province. Le décor est planté, les personnages sont là — presque stéréotypés — et comme toujours chez Doillon, ce sont les dialogues qui nous guident. Entre elle et lui, ce n’est pas une histoire d’amour qui se joue, mais plutôt un étrange rapport de fascination. Est-ce par désir, par vengeance, ou par goût d’un certain exotisme social que la belle Parisienne suit ce drôle de voyou picard ? Nous n’en saurons rien. Et c’est mieux ainsi. Les adeptes du « tout psychologique » en seront peut-être déçus, mais le film y gagne une part de mystère qui rend incongrues les situations les plus banales. Devant l’écran, comme face au regard noir et brillant de Camille (la très sensible Clémentine Beaugrand), nous demeurons séduits et songeurs. L’interprétation de Gérald Thomassin (le Petit criminel d’autrefois) joue aussi en faveur de la réussite du film : ce corps malingre, presque désarticulé, possède une vraie épaisseur, une réelle justesse qui manquait parfois à certaines œuvres du réalisateur. On dit souvent que le cinéma de Doillon — comme celui de Rohmer — est littéraire. Pourtant, Le premier venu est avant tout un film chorégraphique : les mouvements des personnages autour de la caméra, les lentes et magnifiques rotations d’appareil, ainsi que le récit en forme de chassé-croisé (amant/maîtresse, père/fils, policier/voyou…) lui offrent une dynamique rare, une sorte de fougue romanesque à laquelle Doillon ne nous avait guère habitués. Grâce à cet incessant mouvement qui traverse le film et à l’opacité qui entoure chaque personnage, Le premier venu ressemble à une quête dont nous ignorons l’objet. Si cela peut paraître vain, le geste n’en est que plus beau.

nas/im