Le Noir vous va si bien à la Galerie Karima Célestin

Paint it black

Désormais commissaire, Lydie Marchi s’associe à Karima Célestin pour proposer une réflexion sur la couleur, et plus particulièrement le noir. Plus d’espoir ?

 

Selon les définitions usuelles, « le noir est l’aspect visuel des objets qui n’émettent ni ne reflètent aucune part du spectre de lumière visible. » Pourtant, c’est bien la lumière qui semble émaner des œuvres présentées dans l’exposition Le Noir vous va si bien, comme si depuis l’invention du clair-obscur, l’un était devenu la condition sine qua non de l’autre…
En dehors de leurs rapports visuels ou optiques, peut-être l’œuvre d’art émerge-t-elle toujours de la pénombre, celle de l’esprit, pour se révéler à la lumière.
« L’œuvre noire » guide les huit artistes invités par Lydie Marchi, qui la déclinent selon des variations à la fois visuelles et symboliques… Dans la peinture d’Emmanuel Régent, Nébuleuse, une lumière éclatante frappe le regard, se frayant un chemin au milieu des couches de couleurs superposées que l’artiste ponce pour faire émerger une étrange forme astrale. Les rapports entre couleurs, ombres et lumières fascinent le regardeur qui laisse tomber l’interprétation pour succomber au plaisir esthétique que provoque parfois la peinture. Plaisir jovial que l’on retrouve dans l’étrange sculpture polymorphe de Denis Brun, figurine de faïence noire et de strass à l’effigie d’un lapin punk, qui organise la rencontre entre art populaire et formes classiques. L’installation de Damien Valéro est elle aussi de facture ancienne : notre regard chemine de carton en carton recouverts de suie jusqu’à ce qu’un corps se révèle par parties dans cette matière d’un noir parfait, sombre et velouté, sensuel…
Chez Caroline Hanny, le noir évoque le passé à travers l’image fantomatique d’un linge qui se noircit. Il se fait plus intime chez Pascal Navarro, qui présente cinq dessins de la série Eden Lake. Des exercices graphiques, formels et linéaires, dans lesquels l’artiste s’échine à tracer, à main levée, des lignes qui nous conduisent directement à notre interprétation. On pourrait d’ailleurs y lire bien des choses, y voir bien des paysages, si les titres (Je voudrais que rien ne bouge », Chaque chose arrive une dernière fois) ne nous emmenaient sur d’autres pistes plus personnelles… Même sentiment avec l’installation Hommage n°2 (mon ami Julien) de Pascal Martinez, vinyle qui joue en boucle les premiers accords à la guitare de Rock’n’roll Suicide de David Bowie. On se laisse gagner par la mélodie répétitive, sans jamais quitter des yeux les sillons noirs gravés dans le 33 tours. Le diamant saute et craque, réhabilitant les sons vintage d’un vieux tourne-disque. Une ambiance introspective que l’on retrouve devant la toile de Nicolas Pincemin, habilement présentée dans une pénombre propice au tête-à-tête avec l’œuvre. Dans des tons marron, un personnage s’isole aux pieds de pylônes qui le dépassent, au cœur d’une frondaison décharnée… De l’œuvre du peintre des bois à la vidéo de Javiera Tejerina-Risso, on reste dans ce même état contemplatif, bercé par les ressacs des vaguelettes d’une mer d’huile au noir profond et aux reflets bleutés et lumineux, le tout au son de l’eau qui perce…

Céline Ghisleri

 

Le Noir vous va si bien : jusqu’au 24/03 à la Galerie Karima Célestin (25 rue Sénac de Meilhan, 1er).
Rens. 06 28 72 44 24 / www.karimacelestin.com

Visites guidées tous les vendredis à 18h.

Performance La Confusion des noirs par Caroline Hanny et Denis Brun aka Toshiro Bishoko le 13 à 19h.

Clôture le 24 avec un brunch, suivi à 13h par une visite guidée pour les enfants