Chronique | Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov

Tout est chaos…

 

Boulgakov, chevalier de l’apocalypse ou émissaire de la liberté ? Dans la nouvelle traduction de Le Maître et Marguerite parue aux Éditions Inculte, André Markowicz et Françoise Morvan nous restituent toute la beauté incisive de ses mots.

 

Dans les années 30 à Moscou, tandis que la liberté d’expression n’est qu’une vague chimère, Mikhaïl Boulgakov, écrivain impertinent, décide de se soustraire à la sclérose du milieu littéraire en empruntant les chemins de son imaginaire. Il s’y réfugiera longuement, y trouvant un espace de liberté et de créativité absolues dans lequel il pourra méticuleusement s’attaquer au réalisme social. Quelques cinq-cents pages plus tard, sa bombe A est née, cachée sous un titre presque candide : Le Maître et Marguerite. Une détonation dans le monde de la littérature, qui résonne encore aujourd’hui.

À la manière d’un Dostoïevski sous speed, Boulgakov, par son excentricité ravageuse, décape dans ce roman apocalyptique un grand nombre de thématiques. Passent successivement à la moulinette : le régime moscovite alors en vigueur, la médiocrité des milieux artistiques et bureaucratiques, la religion. Seul l’amour ayant su prouver son authenticité en ressortira intact.

Ce sera donc sur les ultimes vestiges d’une société dépouillée de toute trace d’enchantement que le récit va se mouvoir en une succession d’extravagances mettant en scène un Ponce Pilate tourmenté, Jésus de Nazareth, le diable Woland et sa bande de farceurs, ou encore un chat qui parle. Mais Le Maître et Marguerite n’est pas une vaste série de gags menés à une allure endiablée, de situations burlesques sans queue ni tête et de personnages à la face instable : c’est le reflet d’un monde névrosé. Car si dans le monde décrit par Boulgakov la folie est la norme, c’est bien l’œuvre perverse de l’idéologie, en l’occurrence stalinienne, qui va pousser le rationalisme jusqu’au délire institutionnalisé. Il ne nous reste plus qu’à contempler la ville s’effondrer joyeusement.

Satire et sorcellerie, amour et anarchie… avec ce livre, un shoot d’émotions fortes vous sera administré. De quoi vous immuniser durablement contre l’ennui émaillant vos journées confinées.

 

Elena Salougamian

 

Pour en (sa)voir plus : https://inculte.fr/produit/le-maitre-et-marguerite/