Utopia, tous des barbares de Marie Lelardoux © Touhid Loudin - Ventilo

Retour sur le Festival Parallèle

Réussite sur toutes les lignes

 

C’est dans un drôle de climat, du genre de ceux où des flics armés sont postés à l’entrée d’un théâtre, que démarra cette cinquième édition du Festival Parallèle. Embués dans la stupeur et la gravité de ce mois de janvier 2015, ces quelques jours de performances artistiques nous ont offert une bulle salvatrice, ô combien nécessaire, donnant matière à penser, à rire et à imaginer.

 

Promesses largement tenues et efforts récompensés pour Lou Colombani et l’équipe de Komm’n’Act. Cette cinquième ligne écrite par Parallèle a tracé de belles rencontres, permis des découvertes singulières et complémentaires, et déclenché des frottements parfois cocasses, souvent captivants.
Un peu timidement, Arnaud Saury a pré-ouvert le bal avec un Mémoires du Grand Nord inventif, mais qui laissait assez froid. On espère que l’addition prochaine à la bande de Matthieu Poulain (Oh! Tiger Mountain) fera prendre la mayonnaise. Dans cette même veine décalée, on a aimé en vrac : écouter les comédiennes de Marie Lelardoux adopter la voix des témoignages en français de femmes étrangères dans Utopia, tous des barbares ; marcher à pas feutrés sur le canevas blanc de Luke George et des performeurs australiens de Now Now Now, et goûter à leur version libre et instinctive du présent ; repartir avec un ukulélé et des raquettes de ping-pong de la géniale foire d’empoigne interactive du CMMN SNS PRJCT de Martin Schick ; ne pas perdre un fil des digressions jubilatoires de Pierre Mifsud et sa Conférence de Choses, orchestrée par François Gremaud et la 2B Company, qui nous ont à nouveau fait rire de bon cœur au cours de la répétition loufoque de leur Chorale. A ces propositions verbales ont répondu avec intensité des manifestations dansées ou performées plus contemplatives, mais non moins créatrices de sens : Sacre, dans lequel David Wampach se met lui-même en scène avec la saisissante Tamar Shelef, donnant à voir et entendre deux personnages haletant et se raccrochant aux murs ; Maneries de l’Argentino-Colombien Luis Garay, nous plonge dans la pénombre et une rythmique électronique devant le corps vigoureux de Florencia Vecino en quête de limites ; Thibaud Le Maguer dessine des torrents d’images et se sacrifie au profit de l’élément papier dans Paysage de la disparition.
Le premier soir, le public était particulièrement nombreux à applaudir l’énergie triomphalement frondeuse des vingt-six interprètes du Chor Kobiet mené par Marta Gornicka dans Magnificat. Alors qu’on se dit qu’il faudrait que tout le monde aille au théâtre, la programmation du Festival Parallèle nous a, à l’image de la déambulation de Manon Avram, guidés de rendez-vous en rendez-vous, remplissant les salles et faisant battre les cœurs de la Friche, du Merlan et des Bernardines à l’unisson. A leur manière, chacun des artistes invités a bousculé notre conception du réel, nous kidnappant dans leurs espaces-temps, nous initiant à leurs rituels, comme autant d’incitations à croire en de nouveaux possibles.

Barbara Chossis

Le Festival Parallèle a eu lieu du 14 au 17/01 à Marseille, Aix-en-Provence et Martigues.
Rens. : www.komm-n-act.com