Le blog Raging Bulles

La bande décidée

 

La lecture de bande dessinée est, par définition, un plaisir solitaire. Si elles guident l’amateur, les critiques de la presse spécialisée ne laissent aucune place à l’échange. De ce constat est né le blog Raging Bulles, qui propose une rencontre publique mensuelle. Immersion dans un combat de bulles.

 

Les verres sont commandés et les quatre chroniqueurs, installés. Sous la houlette de l’animateur, les joutes critiques peuvent commencer. Pendant plus d’une heure, directs pointus et crochets d’humour s’enchaînent sur le ring du Waaw. Au menu de ce mois de février, six ouvrages très différents font l’objet d’un débat : le comics barré Flex Mentalo, les intimistes J’aurai ta peau Dominique A et Quatre Yeux, les mangas Knights of Sidonia et Bye Bye My Brother, et l’improbable Grande épopée de Picsou ! Les combattants de bulles offrent à un public timide un florilège de critiques (on laisse aux amateurs le soin de deviner à quel ouvrage chacune d’elles correspond) : « Visuellement réussi pour une histoire simple, voire nulle », « Jubilatoire, bavard et inrésumable », « On s’attend à chialer et on n’est pas déçu », « Une vraie madeleine de Proust mais pas que… », « Juste mauvais », « Trop classique et trop d’informations livrées au début ». L’ambiance chaleureuse ne nuit en rien à la qualité des interventions, qui ont autant trait aux aspects scénaristiques qu’à la dimension graphique des œuvres. Les quatre critiques partagent un franc parler appréciable et s’attardent, selon leur personnalité et leur métier (libraire ou pas), sur le contexte historique de l’écriture, les influences de l’auteur, ses précédents dessins, voire sur la qualité de la traduction. Le combat de bulles ne sera pas pour cette fois, tant les avis des chroniqueurs semblent converger aujourd’hui. La suite au prochain tome.

Guillaume Arias

 

Rens. www.ragingbulles.fr / www.massiliabd.org

 


 

L’Interview
Peggy Poirrier (Raging Bulles)

 

Histoire d’en savoir un peu plus, nous avons demandé des explications à la co-organisatrice du Raging Bulles marseillais.

Pouvez-vous rappeler le principe de Raging Bulles ?
Cela fait plus de trois ans que nous officions à Marseille, mais l’initiative est partie de Grégory Brandizi, à Bordeaux. L’intitulé est un hommage non dissimulé au célèbre film de Martin Scorcese, Raging Bull, qui raconte l’histoire du boxeur Jake LaMotta. L’idée de Raging Bulles est simple : six bandes dessinées (comics, mangas et/ou romans graphiques) sont proposées chaque début de mois par Grégory, en concertation avec les autres animateurs de Raging Bulles, sur le blog. Les amateurs de BD ont trois semaines pour lire les ouvrages avant d’assister chaque dernier jeudi du mois, dans chacune des trois villes associées au blog (Bordeaux, Marseille et Toulon), à une joute de critiques entre quatre chroniqueurs et autour d’un animateur. Ces rencontres sont publiques et chacun est libre d’intervenir. Il y a une véritable dimension participative. Par ailleurs, les rencontres Raging Bulles s’organisent aussi grâce à Massilia BD qui propose des ateliers, des événements, des résidences et des expositions.

Quel est votre regard sur la scène BD marseillaise et le marché de la bande dessinée en général ?
Je dirais qu’elle est très prolifique, avec une vingtaine d’auteurs (dessinateurs ou scénaristes) qui ont des styles très différents. Par contre, ces auteurs souffrent, globalement, d’un manque de visibilité. Ils gagneraient à ce que l’on parle plus d’eux. Pour ce qui est du marché, la bande dessinée couvre aujourd’hui un champ extrêmement vaste dans lequel on se perd parfois et qui a atteint un état de surproduction. Le public a donc besoin d’aide pour s’y retrouver.

Entre la montée en puissance du comics, et surtout, du manga, les bandes dessinées traditionnelles franco-belges et les ouvrages d’auteur sont-ils en danger ?
Bien que libraire, je ne suis pas une experte en comics. Je remarque que les scénarios sont certes plus aboutis qu’avant pour certains comics et mangas, mais ce type d’ouvrage touche un public spécifique, comme la bande dessinée d’auteur d’ailleurs, qui m’intéresse tout particulièrement. Cette dernière se distingue par l’importance qu’elle donne à l’objet. Le graphisme y est peut-être plus difficile d’approche, mais les amateurs sont toujours au rendez-vous. C’est en tout cas ce que je constate à la Réserve à Bulles, où je travaille. La bande dessinée franco-belge est, elle, plus accessible et a certainement encore de beaux jours devant elle.

 

Plus généralement, le développement du numérique représente-il un risque pour le marché papier de la bande dessinée ?
Il est trop tôt pour se prononcer. Le numérique n’est pas encore abouti et il représente une très faible part de marché. Encore plus pour la bande dessinée. On ne peut donc pas parler de concurrence aujourd’hui.

 

Propos recueillis par Guillaume Arias