Homs Syrie 2020 © Mathieu Pernot

L’Atlas en mouvement au Mucem / Fort Saint-Jean

Mouvement perpétué

 

Au Mucem, l’exposition L’Atlas en mouvement présente les travaux réalisés depuis douze ans par le photographe Mathieu Pernot sur les questions migratoires.

 

 

Loin d’aligner sagement les photographies sur des murs immaculés, L’Atlas en mouvement se fait fort de renverser le point de vue qui se pose sur les migrants en mêlant 111 photographies, vingt vidéos, 177 supports manuscrits et objets trouvés. Loin des clichés distillés par les chaînes d’information en continu, Mathieu Pernot conçoit son travail comme une urgence à inscrire dans le temps et l’espace les parcours nominatifs d’êtres humains trop souvent réduits à des statistiques ou à des silhouettes anonymes, voire invisibles.

Déclinée en onze thématiques, l’exposition rassemble des images et des documents très différents : des clichés réalisés dans les villes martyres de Homs et d’Alep en Syrie, puis dans des camps de réfugiés à Lesbos en Grèce et à Calais, des planches d’astronomie et de botanique, des empreintes de mains, des croquis réalisés par les artistes réfugiés et surtout des pages et des couvertures de cahiers d’écolier où figurent les récits de ces protagonistes.

L’accrochage permet une lecture par chapitres, en allant de l’expérience commune à tous les humains, être sous les étoiles ou dans la nature, pour finir par les histoires particulières que ces hommes et femmes ont consignées sur ces cahiers. Le récit est ainsi borné, mais la visite peut se faire également de manière fluide, en rayonnant à partir de l’espace central occupé par un espace-temps aussi précis qu’emblématique : l’île de Lesbos en 2020 et le camp de Moria occupé par plus de 20 000 réfugiés avant d’être finalement incendié par ces derniers, révoltés contre leur sort. Quatre cimaises présentant des portraits photographiques de réfugiés semblent regarder les corpus d’images de l’Atlas en mouvement. On suit avec curiosité et malaise le mouvement de ces hommes et ces femmes, réduits au plus grand dénuement, à la fois victimes et acteurs de l’histoire. Des oliviers centenaires de Lesbos utilisés comme bois de chauffage aux empreintes de mains que certains n’hésitent pas à brûler pour effacer leurs empreintes digitales, les épreuves à surmonter pour arriver quelque part et avoir un toit paraissent  inhumaines et injustes.

L’exposition se parcourt en silence, la gorge serrée devant la carte marine des naufrages et cette estimation terrible de plus de 28 500 noyades depuis 2014 (chiffre de l’Organisation internationale des migrants). Ce sentiment de malaise est renforcé par l’immersion dans une boîte noire où sont diffusées une vingtaine de vidéos envoyées par les réfugiés à Mathieu Pernot, dont une où l’on voit un bateau de garde-côte tenter d’éperonner une embarcation chargée d’êtres humains en détresse.

On ne sort pas de cette exposition indemne ; les questions que l’on se posait déjà quant à l’absurdité et la cruauté de notre monde reviennent avec plus d’acuité. Mais comme l’espoir meurt en dernier, on se raccrochera à ce cahier d’écolier dont la couverture porte la mention « La Belle France » et où quelqu’un a pu enfin coucher son histoire une fois arrivé quelque part.

 

Isabelle Rainaldi

 

L’Atlas en mouvement : jusqu’au 9/10 au Mucem / Fort Saint-Jean (Promenade Robert Laffont, 2e).

Rens. : www.mucem.org