La ZAD, c’est plus grand que nous de Thomas Azuélos

La ZAD, c’est plus grand que nous de Thomas Azuélos et Simon Rochepeau

Terrain d’entente

 

Avec La Zad, c’est plus grand que nous, Simon Rochepeau et Thomas Azuélos livrent une grande fresque graphique en immersion sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes et son « armée de rêveuses et de rêveurs ».

 

Ils se nomment Cloé, Kat ou Max. Ils ont entre vingt et trente ans et sont engagés dans le combat de leur vie : empêcher le projet de construction d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes d’aboutir. Mille six cent cinquante hectares de nature promis à un grand chantier d’aménagement bétonné.

La résistance s’organise en 2008. Des jeunes venus de toute la France débarquent pour occuper le terrain. Petit à petit, des communautés utopistes s’installent en proposant un mode de vie alternatif, en marge d’une société capitaliste qu’ils rejettent en bloc. L’objectif écologique s’accompagne peu à peu d’ambitions plus radicales : beaucoup voient dans cette zone l’aire d’un possible nouveau départ…

Interpelé par ce mouvement qui agite l’opinion, Simon Rochepeau convie son complice marseillais Thomas Azuélos à venir découvrir le quotidien de cette microsociété. Après plusieurs mois passés au sein de la ZAD, les deux auteurs de bande dessinée publient en février un récit fictionnel inspiré de leurs observations et de témoignages.

Ils y dépeignent la vie de personnages singuliers à travers une fresque géante de portraits parfois stéréotypés mais souvent justes, antihéros des temps modernes dont le combat passé prend aujourd’hui de plus en plus de sens. Les moments de doute, de violence, la drogue, les défaites, les victoires, l’amour, l’amitié… Un humain reste un humain. En fond, présentes mais dissimulées, les espèces menacées que le monde semble oublier.

L’album s’ouvre sur « le grand jour ». Il fait nuit. On parle de barricades, d’expropriation, de bulldozers, de « gueule grimaçante » ou de « cabanes défoncées ». Le cadre est planté. Un événement se prépare, dans la douceur paradoxale d’une brioche qui cuit dans le four de Gildas et de sa femme, paysans propriétaires impliqués malgré eux dans ce combat. Elle est destinée aux combattants qui se préparent à affronter l’ennemi, « vadors » chargés de domestiquer « la bête »… Les flics détruisent, les occupants reconstruisent, boucle absurde.

Soudain les masques à gaz, blocs hyper ordonnés, approchent pour déloger des silhouettes surplombantes aux masques animistes. Les flashball contre les écrous. Mais le combat qui semblait perdu d’avance prend une tournure inattendue : un groupe de paysans vient lui aussi défendre ses terres. L’union fait la force et chacun ici est concerné autour d’un seul objectif commun : empêcher la destruction de ce territoire. Pourtant, les idéaux sont loin de concorder. Pour certains activistes, tous les moyens sont bons pour établir une nouvelle société, quand les paysans cherchent à conserver ce qu’ils ont acquis jusqu’ici…

En 2018, le projet a été officiellement abandonné. Victoire donc pour les zadistes. Amère cependant, car nombreux sont ceux qui ont ensuite été délogés. Mais comme conclut Cloé, le personnage principal : « Le combat pour un nouveau monde recommence sans cesse. Et nous y arriverons. Car la Zad, c’est plus grand que nous. »

 

Armelle Mathieu

 

Dans les bacs : La ZAD, c’est plus grand que nous de Thomas Azuélos et Simon Rochepeau (Éditions Futuropolis)