La seconde surprise de l’amour présentée au Gyptis

La seconde surprise de l’amour présentée au Gyptis

La confusion des sentiments

Dans La seconde surprise de l’amour, Alexandra Tobelaim revisite le marivaudage et tord le coup à la mièvrerie pour nous proposer une pièce moderne sur la douleur et les mystères du sentiment amoureux.

Seconde-surprise-de-amourDe Marivaux, on retient souvent les considérations sur les sentiments, les subtilités de la conquête amoureuse ou le manège complexe de la galanterie. C’est bien mal le connaître.
La seconde surprise… a pour point de départ la rencontre de futurs promis désespérés par la perte respective et douloureuse d’un être aimé. Une douleur dans laquelle la marquise et le chevalier se complaisent, trouvant dans l’autre le moyen de faire revivre cet être cher, mais aussi celui de prolonger leur souffrance. Cet état les rapproche, ils se plaisent sans vouloir le reconnaître, chacun étant trop absorbé par son chagrin.
Le texte a trois cents ans, mais les sentiments sont immuables. De la douleur amoureuse à son effacement, la problématique est identique, et nos comportements n’ont pas changé. Partant de ce constat, Alexandra Tobelaim s’est lancé dans une création originale : mêler la langue précise et l’analyse limpide sur l’âme humaine de Marivaux au travail visuel et plastique sur la douleur physique de Sophie Calle (1)). Ce surprenant mélange produit un résultat efficace, une pièce convaincante et résolument contemporaine.
Servis par une mise en scène sobre, une scénographie ingénieuse et des costumes actuels, les jeunes acteurs incarnent des personnages entiers et fougueux. Excessifs, ils réagissent avec violence. Leur cœur parle, mais ils ne savent pas l’écouter. Tandis que nous, spectateurs, sommes lucides sur la nature de leurs sentiments ; d’autant plus que la conception du décor —une façade d’immeuble aux multiples fenêtres — nous autorise à entrer en permanence dans l’intimité de chacun.
Douleur du sentiment amoureux, penchant suicidaire, souffrance ou désespoir… : on serait tenté de penser que la pièce est triste à mourir. Ce n’est pas le cas ; elle s’avère même plutôt drôle. On rit des excès de chacun sans pour autant que les comédiens versent dans la dérision car le dosage entre les deux est juste. D’ailleurs, tout comme Marivaux, Alexandra Tobelaim ne célèbre pas la douleur amoureuse, mais bien cette force qui nous pousse à rebondir et à vivre.

Yves Bouyx

La seconde surprise de l’amour était présentée au Gyptis du 10 au 14/02.

Notes
  1. Sophie Calle : La Douleur Exquise (éd. Actes Sud[]