La Marseillaise, et caetera au Mémorial de la Marseillaise © manifeste rien

La Marseillaise, et caetera par le collectif Manifeste Rien

Pièce d’identité

 

Dans La Marseillaise et cætera, le collectif Manifeste Rien fait appel à la science-fiction pour dénoncer, entre autres, la dictature du fait-divers.

 

Octobre 2001 : alors que pour la toute première fois, un match de football oppose la France à l’Algérie, La Marseillaise est sifflée, provoquant une indignation collective totalement disproportionnée. Sur scène, le collectif Manifeste Rien établit des liens particulièrement réussis entre l’événement et les Vêpres marseillaises de 1881 : une réaction xénophobe suivant la huée de l’hymne par des travailleurs d’origine italienne, provoquant à Marseille comme en France un tôlé général aux conséquences dramatiques et durables.
Après une introduction campée par une Sub-Saharienne, figure du migrant par excellence et spectatrice elle aussi, les différents plans commencent à s’enchaîner de manière rapide et déjantée. La mise en scène se révèle très minimaliste : aucun décor, aucun costume ; tout est suggéré par le jeu des trois acteurs qui, à eux seuls, campent une bonne douzaine de personnages. Loin de déstabiliser, ce choix scénographique permet au contraire de rester centré sur le contenu de la pièce, déjà très dense.
La situation de départ : les Grimaldi, couple cliché fraîchement installé, sont sur le point de regarder le fameux match en compagnie d’un Alsacien black rigoriste et coincé. Les protagonistes sont sans se douter que deux sbires du CMR (le Centre des Mémoires Refoulées) s’apprêtent, dans un délire futuristico-machiniste, à lancer l’opération Grimaldi. Sitôt après le match, la situation bascule : idées reçues et clichés racistes fusent, des distorsions spatio-temporelles se créent. Le couple va connaître des expériences atypiques tendant à leur faire revoir leurs positions vis-à-vis de l’intégration des personnes immigrées et leurs rapports aux symboles nationaux. Avec eux, et au travers de l’évocation des Vêpres marseillaises, on plonge dans l’histoire de France pour se confronter à leurs passés familiaux respectifs, niés ou oubliés. La précision documentaire dans la narration démontre que la particularité de ces Vêpres est moins l’expression d’un refus d’intégration de la part de certains immigrés que le signe de l’avènement des médias de masse et de leur faculté à conférer une dimension politique aux faits-divers. Le collectif pointe les médias comme responsables d’une distorsion des informations en vue d’une manipulation politique des masses populaires : « Hier comme aujourd’hui, les médias de masse condamnent les voix qui sifflent, qui huent, mais jamais celles qui soufflent. » Ainsi, au fil de la pièce, on mesure avec effarement l’ampleur des conséquences sur la IIIe république et sur l’histoire de France de ce qui, sans cette intervention médiatique, ne serait resté qu’un fait-divers isolé.
Précisons que la pièce fait suite à un travail de fonds réalisé par Marie Beschon avec des habitants de quartiers dits sensibles de Marseille autour de leur rapport à l’hymne national et à l’identité française. Les voix enregistrées apparaissaient dans la pièce comme des interférences, assénant un écho sincère et contemporain. Cependant, si elles ont été un élément moteur dans le travail du collectif, on peut déplorer cet ajout d’un élément très (trop) fort à une pièce déjà riche. De fait, on a un peu de mal à donner à ces propos toute l’attention qu’ils méritent. N’en demeure pas moins une pièce au discours passionnant, travaillé et précis, qui amène un véritable matériel de réflexion aux débats sur les questions de l’identité nationale et de l’intégration.

Estelle Wierzbicki

 

La Marseillaise, et caetera était présenté le 14/02 au Mémorial de la Marseillaise.

Prochaine représentation : le 21/02 à l’Espace culturel Bonne Fontaine (Avenue Saint-Promasse, Forcalquier).
Rens. : 06 20 05 50 54 / www.forcalquier.com

Pour en (sa)voir plus : http://manifesterien.over-blog.com