La marque "One Provence" a été lancée en juillet par la métropole.

La marque, le moustique moqueur et l’éléphant métropolitain

Voyant que la métropole n’avait pas réservé de site pour sa nouvelle marque de promotion territoriale, un internaute l’a déposé lui-même pour s’en moquer. Mal lui en a pris. La métropole le traduit désormais en justice pour récupérer l’adresse.

 

C’est un petit moustique venu déconcentrer la métropole du son strident de la moquerie. C’est un grand éléphant métropolitain prêt à l’écraser avec l’aide de la main de justice.

Le moustique s’appelle Jacques-Antoine Mathiou. En juillet dernier, ce chef de projet s’est livré à une plaisanterie bien connue des spécialistes des réseaux. La nouvelle marque One Provence, promue par les acteurs politiques et économiques, devait porter haut les couleurs du territoire mais n’avait pas encore de site internet. Elle n’avait pas réservé l’adresse. L’occasion était trop belle pour le moustique de piquer au vif la grande institution : quelques euros et il devenait propriétaire de l’étendard d’une métropole à faire rêver le monde.

 

« Lancer une marque à l’arrache »

Au début de la décennie, la Ville de Marseille s’y était déjà fait prendre. Un collectif de joyeux agitateurs culturels lui avait chipé Marseille2013.org alors même qu’elle obtenait l’organisation de la capitale européenne de la culture cette année-là. Elle ne l’avait d’ailleurs jamais récupéré mais les organisateurs de l’événement avaient fini par regarder avec bienveillance ceux qui allaient devenir les promoteurs d’un « off » gentiment taquin.

Cette fois, pas de marque alternative. Mais pour habiller sa « blague potache », Jacques-Antoine Mathiou a collé à cette adresse un blog satirique. « Bel exemple d’un travail a moitié fait ! Ou comment lancer une marque à l’arrache. Dire que je voulais seulement en savoir un plus sur #OneProvence quand je me suis aperçu de l’énormité de la situation. Et c’est eux qui gèrent l’image de la ville », annonce l’article mis en avant. Le reste est une sélection de réflexions et tweets peu amènes pour les pouvoirs locaux.

D’emblée, l’initiative a démangé. Sur les réseaux sociaux d’abord, le ton est monté entre un porte-parole de l’institution et le plaisantin, qui ne se cache pas. Mais très vite, l’éléphant a choisi d’écraser l’agaçant insecte. Courrier d’avocat et assignation en justice pour récupérer ce qu’elle considère comme son bien.

 

« La liberté d’expression a dégénéré en abus »

Le 4 novembre prochain, elle l’invite à comparaître devant le tribunal de grande instance de Paris comme l’on révélé nos confrères du Ravi. Elle y plaidera « la mauvaise foi » du plaisantin qui a réservé le nom de domaine le lendemain de la conférence de presse annonçant la nouvelle marque. « La liberté d’expression a dégénéré en abus », ajoute le sourcilleux avocat de l’institution dans son assignation. Et comme Jacques-Antoine Mathiou a notamment cru bon de traiter d’« abrutis » ceux qui n’ont pas déposé en temps et en heure leurs marque et nom de domaine, le conseil ajoute pour convoquer en urgence les juges : « De tels propos causent également et nécessairement un trouble manifestement illicite à l’ordre public français. »

« Je ne m’attendais pas à ce que ça prenne ces proportions », souffle Jacques-Antoine Mathiou. Celui qui se dit de tendance « En marche de gauche » mais n’est pas engagé autrement que sur les réseaux sociaux a à ses côtés une figure émergente de la vie politique locale. Gérard Blanc, avocat qui l’a conseillé, est aussi le coordinateur marseillais de La République en marche. Il a lui-même réservé Oneprovence.fr et quelques autres adresses complémentaires de OneProvence.com. De quoi donner une tournure plus politique à l’affaire, ce qui n’a d’ailleurs pas échappé à la métropole qui voit là la piste d’une cabale.

Gérard Blanc déclare lui avoir voulu « protéger la métropole et la marque territoriale qui est une bonne idée » d’éventuelles malveillances. Mais il enchaîne rapidement sur des propos plus politiques : « Comme d’habitude, cela est fait avec un manque de professionnalisme et on doit en parler ! Quand on fait les choses dans la précipitation, on les fait n’importe comment et après, on essaie de s’en sortir par la force. » Dans les couloirs de la métropole, on glisse que l’annonce du nom « One Provence » a été faite dans la foulée d’un vote entre plusieurs propositions et qu’il était impossible dans ces conditions de déclarer la marque et le site en amont. « Eh bien, il ne fallait pas l’annoncer ! », rétorque Gérard Blanc. À ce moment précis de la conversation, le moustique semble s’être envolé depuis longtemps.

 

Jean-Marie Leforestier