La genèse du mal - Le ruban blanc (Allemagne/France/Autriche/Italie - 2h24) de Michael Haneke avec Ulrich Tukur, Christian Friedel…

La genèse du mal – Le ruban blanc (Allemagne/France/Autriche/Italie – 2h24) de Michael Haneke avec Ulrich Tukur, Christian Friedel…

cine-Le-ruban-blanc.jpgPalme d’or du dernier festival de Cannes, Le ruban blanc complète une œuvre déjà riche qui n’utilise les moyens du cinéma que pour interroger cette part invisible et insondable de perversité dont nous sommes tous à la fois porteurs et victimes. A la dimension scientifique, presque clinique, du regard que portait Haneke sur ses personnages/sujets (de 71 fragments d’une chronologie du hasard à son précédent film, Caché), se substitue ici une trame narrative plus conventionnelle mais toujours aussi troublante et efficace. Une voix off nous conte la vie d’un village du nord de l’Allemagne au début du siècle dernier, avec son instituteur, sa paroisse, son médecin, ses enfants. On y vit au rythme des saisons et des récoltes. Le narrateur nous prévient : la quiétude apparente n’est qu’un leurre. Lentement, sous la normalité champêtre perce une tension diffuse, faite de petits riens, d’incidents mineurs et de hasards malheureux qui prennent peu à peu le caractère d’un rituel punitif. En quelques séquences, le sujet est posé et le spectateur capturé. Haneke a posé ses griffes. Impossible d’en sortir. A cette maîtrise narrative, qui n’est pas nouvelle chez le réalisateur autrichien, vient s’ajouter une virtuosité formelle vraiment éblouissante, et par-là nouvelle. Ce noir et blanc très contrasté, au grain parfois poussiéreux, rappelle souvent les grandes heures du muet et les premiers pas de la photographie réaliste. On voudrait pouvoir arrêter la bobine et prendre le temps de contempler ces plans parfaitement composés, d’admirer la posture, de scruter le regard, en un mot : de toucher cette matière plane mais profonde. Si les thèmes chers à l’auteur de Funny Games demeurent — la faute, la punition, la violence sociale… —, la dimension religieuse, quasi-mystique, du film ouvre une voie nouvelle dans le travail de Michael Haneke, qui confirme encore une fois la place majeure qu’il occupe dans paysage cinématographique contemporain.

nas/im