La Galerie Béa-Ba

La Galerie Béa-Ba

Nature : peinture

 

Nouvelle venue sur la scène artistique marseillaise, la galerie Béa-Ba, rue Sainte, apporte désormais sa contribution au réseau des galeries privées. Inaugurée en octobre dernier, elle enchaîne les expositions consacrées à la peinture contemporaine et reçoit déjà le succès qu’elle mérite.

 

« Si ce monde doit changer, pensons alors ce changement en termes de création, d’invention, d’imagination. » (Marie-José Mondzain, philosophe, 11 janvier 2015, Médiapart)

Est-il besoin de rappeler ici l’apport précieux de l’artiste dans ce monde, et l’importance plus grande encore d’initier tous les regards, de les accompagner dans leur lecture de ces images produites par l’art ? Les images d’Arthur Aillaud, celles qu’il peint entre figuration et abstraction, dans une sonorité de couleurs sourdes, sont soumises aux interprétations de celui qui les regarde. Certains y verront des morceaux d’architecture moderne, d’autres des plages de couleurs et de peinture, d’autre encore des blocs abstraits de béton desquels s’échappe un morceau de paysage urbain, de jour, de nuit… Tout n’est toujours question que de point de vue et la peinture d’Arthur Aillaud nous le rappelle.
Si la galerie Béa-Ba a choisi pour médium de prédilection la peinture, elle ne s’astreint toutefois à aucune posture restrictive. Il est vrai que la peinture contemporaine manquait à Marseille d’un lieu qui lui soit entièrement dévolu, d’autant qu’en plus des expositions, Barbara Satre et Béatrice Le Tirilly, initiatrices du projet Béa-Ba, programmeront des rencontres autour du sujet.
Nul doute que la galerie s’imposera avec le temps comme un lieu de référence théorique et plastique autour d’un médium qui demande qu’on s’y arrête consciencieusement. Car s’il est admis aujourd’hui que la mort de la peinture était une impasse intellectuelle, qu’elle n’a eu de cesse de se renouveler et d’aller piocher dans les médiums qui ont émergé après elle comme la photographie, l’installation, l’art numérique, voire le cinéma ou encore la télévision, il n’en est pas moins vain de la regarder encore et encore, de l’étudier, de la commenter tant les formes du champ pictural actuel sont vastes. Ses mutations, ses métamorphoses, ses allers-retours avec l’histoire de l’art constituent un large domaine d’études que nous allons pouvoir entamer avec la galerie Béa-Ba.
« Le principal des changements qualitatifs concernant la peinture est relatif à la diversité de ses contenus et de ses traitements pratiques, dorénavant infinis : tout est peint, tout peut l’être, tout peut l’être de toutes les façons possibles, de matières hybrides y compris. Une peinture peut être elle-même. Elle peut aussi en cacher une autre, une photographie, ou toute autre chose non forcément définissable. » (1)
Après une première exposition collective qui réunissait cinq artistes autour de l’abstraction et de la couleur, c’est Arthur Aillaud qui occupe les cimaises de la galerie jusqu’au 22 janvier. Les tons sont plus calmes, ils s’étendent sur une palette de gris bleutés, marron, verts, dans une lumière de fin de journée. Notre regard qui cherche le paysage ou les morceaux de nature est obstrué par un morceau d’architecture, une surface monochrome comme une percée géométrique abstraite au milieu d’une représentation figurée. Des points de vue cinématographiques telle cette vue d’une ville la nuit, que l’on regarde comme sur le haut d’une colline dont les lumières et le point de vue rappellent ceux de David Lynch sur Los Angeles dans Mulholland Drive
Si le sens du cadrage et de la composition d’Arthur Aillaud entraîne le spectateur dans des perspectives vertigineuses et des points de vues insolites, le postant dans des situations d’arpenteur des surfaces lisses du béton, le geste du peintre est pourtant bien présent dans ses aplats de couleurs, et le travail de découpage de la surface de la toile nous ramène à la condition originelle de la peinture, notion chère à Greenberg, sa planéité. Chez Arthur Aillaud figuration et abstraction ont cessé de s’affronter, elles s’harmonisent même merveilleusement et le regardeur n’a pas à faire de choix dans sa façon d’appréhender les différentes zones picturales. Redire les mots non usités de Maurice Denis (1870-1943) : « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. »
Après Arthur Aillaud, la galerie Béa-Ba invitera le critique et historien de l’art Pierre Wat. Celui-ci nous offrira une petite rétrospective de Claude Viallat, membre fondateur du mouvement Supports/Surfaces qui s’est depuis longtemps affranchi du châssis pour répéter sa forme simple sur tous les tons et sur tous les supports. D’autres contrées de la peinture contemporaine sont à explorer lors de cette nouvelle exposition qui présentera l’un de nos plus grands peintres. Les mots du commissaire, en guise de conclusion : « Exposer Viallat, c’est exposer le débord : la vie même comme ce qui vient, telle une jubilation, féconder la peinture dans chacun de ses jours. C’est la liberté d’un homme, dans tous ses états, bords et débords, qui se donne à voir et à éprouver. » (Pierre Wat)

Céline Ghisleri

 

Galerie Béa-Ba (122, rue Sainte, 7e). Rens : 09 67 25 68 89 / www.galerie-bea-ba.com

Actuellement : Arthur Aillaud (jusqu’au 22/01)

Prochaine exposition : Claude Viallat (carte blanche à Pierre Wat). Du 29/01 (vernissage) au 14/03

 

 

 

Notes
  1. in Peintures – Please, Pay Attention, Please, de Barbara Polla et Paul Ardenne (Éditions La Muette).[]