La fabrique des sentiments - (France - 1h44 ) de Jean-Marc Moutout avec Elsa Zylberstein, Bruno Putzulu…

La fabrique des sentiments – (France – 1h44 ) de Jean-Marc Moutout avec Elsa Zylberstein, Bruno Putzulu…

Le jeu du solitaire

Cine-la-fabrique-des-sentim.jpgAprès Violence des échanges en milieu tempéré, Jean-Marc Moutout s’attaque à l’un des maux de ce nouveau siècle — la solitude des célibataires — et à l’un de ses remèdes miracles, le speed dating : sept hommes, sept femmes, sept minutes d’entrevue, et comme l’annonce l’organisatrice « toute la vie pour se revoir ». Si le sujet peut paraître intéressant, les travers de nos comportements modernes sont ici montrés d’une manière quelque peu caricaturale : le grand timide, l’hédoniste qui cherche à « concrétiser » rapidement, l’avocat sûr de son charme… On assiste là à un défilé de personnages qui semblent devoir leur présence plus à la sociologie qu’à la réalité, et on se retrouve très vite aussi seul qu’eux face à un film qui oublie sa mission première : créer de l’émotion. Est-ce pour donner plus d’épaisseur à son récit, nous faire comprendre que la solitude est une véritable maladie — ou tout simplement parce qu’il n’avait pas de meilleure idée — que Moutout s’est senti obligé d’affubler son héroïne de troubles somatiques qui font prendre au film une tournure médicale aussi inattendue qu’inutile ? On pourrait continuer ainsi longtemps à dresser les maladresses d’un film bien décevant, mais il faut aller à l’essentiel : le film repose entièrement sur le jeu d’Elsa Zylberstein qui ne possède pas le talent nécessaire pour transformer une histoire insipide en un moment inoubliable. C’est peut-être ce que le réalisateur n’a pas saisi, lui qui suit son actrice au plus près pendant tout le film, la traquant littéralement dans tous ses mouvements. Dès lors, il n’y a point de respiration, d’aération narrative, et l’on demeure prisonnier de cette action qui n’en est pas vraiment une, alors qu’un sujet tel que la solitude aurait nécessité de l’absence, du vide, presque du rien.

nas/im