Kiss & Cry © Maarten Vanden Abeele

Kiss & Cry de Michèle Anne De Mey et Jaco Van Dormael

La main sur le cœur

 

Kiss and Cry désigne le banc sur lequel les patineurs attendent le résultat de leur note de passage, juste avant les effusions ou les larmes. Kiss & Cry, c’est aussi le nom d’une création peu commune qui réunit trois surdoués dans leurs domaines artistiques respectifs : Michèle Anne De Mey (la danse), Jaco Van Dormael (le cinéma) et Thomas Gunzig (l’écriture). Le trio s’offre le luxe du collectif pour bricoler l’histoire toute simple de la vie en mouvement.

 

Si, sur scène, la mémoire, la mort, les échecs et le temps qui passe font partie des sujets abordés, c’est toujours dans une circulation vitale que Jaco Van Dormael les met en scène. Le plateau se fait simultanément studio de cinéma, théâtre d’objets, salle de montage, écran de projection, coulisses et surtout plateau de danse par l’intermédiaire d’une table de cuisine. Le grand réalisateur Jaco Van Dormael, éclaireur du cinéma belge (Toto le héros, Le Huitième Jour), et sa compagne, la prestigieuse chorégraphe Michèle Anne De Mey, ont inventé un concept : la « nano danse ». Van Dormael n’aime rien tant que la particularité et l’infime, les grains de sable qui déjouent les trajectoires des personnages sans grand destin. Gisèle est de ceux-là, protagoniste de cette histoire tout autant que prétexte pour narrer le processus de création. La première fois qu’elle est tombée amoureuse, cela a duré treize secondes… Depuis, elle aime les mains des hommes. Avec leurs seuls doigts, Michèle Anne De Mey et Grégory Grosjean interprètent les amours de Gisèle dans une belle danse mélancolique.
Ceux qui aiment le cinéma de Jaco Van Dormael retrouveront ses thèmes de prédilection : l’enfance, la perte, l’innocence, la question du choix, les trains, les chansons anciennes… Autant de sujets décuplés par l’onirisme et la poésie des textes de Thomas Gunzig. Ecrivain, scénariste, dramaturge, photographe et célèbre chroniqueur radio pour la RTBF (son Café serré est aussi prisé que celui de Nicole Ferroni ici), il a également coécrit le dernier film de Van Dormael, Le Tout Nouveau Testament avec Catherine Deneuve et Benoît Poelvoorde, que l’on verra sûrement à Cannes ou à Venise.
Longtemps, la voix off et les mots de Thomas Gunzig vous hanteront comme raisonnent en nous certains souvenirs, avec grâce et nostalgie.

Maryline Laurin

 

Kiss & Cry de Michèle Anne De Mey et Jaco Van Dormael : du 15 au 18/04 au Théâtre de la Criée (30 quai de Rive Neuve, 7e).
Rens. : 04 96 17 80 00 / www.theatre-lacriee.com

Pour en (sa)voir plus : https://fr-fr.facebook.com/kissandcry.nanodanse

A lire :
Thomas Gunzig – Manuel de survie à l’usage des incapables (Editions Au Diable Vauvert)
Thomas Gunzig – Et avec sa queue, il frappe ! (Editions Au Diable Vauvert)
Thomas Gunzig – Kiss & Cry (Editions Au Diable Vauvert)

 

 

L’Interview Kiss or Cry ?
Thomas Gunzig

 

Avec un père physicien et cosmologiste, pas étonnant que Thomas Gunzing adore créer des univers éclectiques et qu’il en change comme de tee-shirt.
Auteur, scénariste, ex-libraire et chroniqueur, Thomas Gunzig est professeur de littérature à La Cambre. Ancrés dans la réalité, marqués par un humour ravageur et une imagination déchainée, ses récits ont toujours — belgitude oblige — le goût de l’absurde. Traduits dans le monde entier, ils ont fait de lui l’une des valeurs sûres d’une des plus dynamiques maisons d’édition de la région, Au Diable Vauvert. Ils font l’objet de nombreuses adaptations scéniques, tant en France qu’en Belgique, comme en témoigne Kiss & Cry, présenté à la Criée.
A quelques heures de la première à Marseille, il s’est prêté au jeu de l’interview décalée.

 

Thomas Gunzig © Maryline Laurin

Thomas Gunzig © Maryline Laurin

Le propos du spectacle, Kiss or Cry ?
L’idéal, c’est quand on sent qu’il y a du Kiss dans le Cry, quand les émotions se mélangent… Je ne sais pas si on peut appeler ça un propos, mais c’est peut-être à l’image de la vie, être traversé en permanence par des émotions complexes.

 

La collaboration avec Jaco Van Dormael et Michèle Anne De Mey, Kiss or Cry ?
Franchement, pour une création de cette envergure, ça s’est très bien passé. Il y a eu des petits moments de doute quand on cherchait une direction, mais il n’y a pas eu de drame. J’en garde un très bon souvenir.

 

La notion de collectif artistique en Belgique, Kiss or Cry ?
Je n’en sais rien, je ne connais pas les autres. Dans le cas de Kiss & Cry, c’était un collectif « sur mesure », pour l’occasion. C’était surtout un groupe de gens travaillant sur un projet commun.

 

Avoir comme Jaco un esprit touche-à-tout, inclassable, c’est Kiss or Cry à assumer ?
Ça dépend des jours…

 

Trouver des titres aussi improbables que Et avec sa queue il frappe ou Manuel de survie à l’usage des incapablesKiss, Cry, ou juste hard ?
Rien de tout ça… Je crois que c’est une tournure d’esprit…

 

Tu as des attaches personnelles et professionnelles dans le Sud de la France, tu es l’un des fleurons des éditions Au diable Vauvert et un habitué du festival d’Avignon… Or, la reconnaissance semble tarder à venir ici. Si on t’obligeait à t’installer dans notre région, ce serait Kiss or Cry ?
Totalement Cry. Je suis très bien là où je suis…

 

Faire de la promo pour tes livres, Kiss or Cry ?
Totalement Cry… Je n’aime pas parler.

 

Faire un jour des chroniques sur France Inter comme ton collègue de Matin Première Alex Vizorek, Kiss or Cry ?
Totalement Cry, je n’aime pas Paris.

 

Collaborer au scénario du dernier film de Jaco Van Dormael, Le Tout Nouveau Testament, Kiss or Cry ?
Un long travail et un merveilleux souvenir. Jaco fait partie de ces gens avec qui on travaille très bien. Il fait sortir ce qu’il y a de bon en vous.

 

Dans quelques jours, la sélection des films en compétition à Cannes sera dévoilée. Penses-tu que pour Le Tout Nouveau Testament, ce sera Kiss or Cry ?
Je n’en sais rien. Je n’aime pas espérer.

 

Aller présenter le film à Cannes, ça serait Kiss or Cry ?
Je n’en sais rien. Je n’ai jamais été à ce festival. Du coup, je serais peut-être curieux de voir comment ce serait.

 

Après Le Tout Nouveau Testament, tu as co-écrit le film Mon ange avec Harry Cleven et réalisé le spectacle Borgia. C’est Kiss or Cry d’être en odeur de sainteté ?
Ce n’est pas une question d’odeur. Je ne travaille qu’avec des amis.

 

La scène artistique française, Kiss or Cry ?
Je ne la connais pas assez pour juger.

 

Plutôt Kiss (le groupe) ou No Woman No Cry de Marley ?
Kiss, Marley, Mozart, Bach, AC/DC, Miles DavisIbrahim Maalouf, Devin Townsend… J’aime presque tout.

 

Et côté ciné, plutôt Kiss of Death ou Cry Baby ?
Je suis très bon public. Le seul film que je ne suis pas parvenu à voir jusqu’au bout a été Sex and the City.

 

Un Kiss à partager ?
Le petit livre Charles Baudelaire de Théophile Gautier, je suis en train de le lire…

 

Un Cry à confier ?
J’avais terminé l’écriture d’un scénario. Le producteur nous a dit aujourd’hui qu’il détestait.

 

Le futur, Kiss or Cry ?
Le prochain roman sera très Kiss.

Propos recueillis par Maryline Laurin